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« Afghan Stories: Waiting for Hope » par Sandra Calligaro

Sandra Calligaro
Sandra Calligaro

Après avoir suivi des études d’art et de photographie à l’Université Paris 8, Sandra Calligaro s’oriente vers le grand reportage et accomplit alors un premier séjour en Afghanistan en 2007. Depuis, elle partage son temps entre Paris et Kaboul, alternant reportages pour les médias français et européens, commandes pour le compte d’ONG et projets plus personnels, à portée documentaire. Se destinant d’abord à être « photographe de guerre », c’est au contraire la fragilité du quotidien de ce pays tourmenté qui n’a cessé de la fasciner ; pays auquel elle porte un regard empli de tendresse. 

C’est une sélection de son dernier projet, Afghan Stories: Waiting for Hope, réalisé en collaboration avec Action Contre la Faim et ECHO, que nous publions ici. Outre les photographies, il s’accompagne des témoignages de populations déplacées afghanes.

Toutes les photos:
© Sandra Calligaro/Action contre la Faim/Picturetank
www.sandracalligaro.com

Sahr Mohamad. Maïmana, province de Faryab.

« Nous avons six enfants, deux filles et quatre garçons. Jusqu’à leurs 5 ans, nos fils sont en bonne santé, mais après ils tombent tous malades, ils sont comme paralysés. Trois de nos quatre fils ont la polio et le quatrième a une maladie dégénérative – nous ne savons pas exactement laquelle.
Nous avons emprunté 40 000 afghanis (560 euros) pour emmener notre fils au Pakistan se faire soigner ; le docteur nous a demandé de le ramener une seconde fois ainsi que tous nos enfants, mais nous n’en avons pas les moyens, ou alors il faudrait que nous nous endettions encore plus. Heureusement, nos filles ne semblent pas touchées, pour l’instant. »
Mahajubeen, Chaghcharan, province de Ghôr.

Près de 40 ans de conflits ont durement éprouvé l’Afghanistan. Malgré les objectifs de stabilisation du pays annoncés par la communauté internationale, la situation sécuritaire ne cesse de se dégrader. L’année 2016 a d’ailleurs été une année particulièrement sanglante, tandis que 2017 a commencé dans la violence. Les civils ont payé un lourd tribut, de même que les structures de santé et les humanitaires.

Jabor, 15 ans (photo 3),  Abdul Satar, 8 ans (photo 4) et Abdul Sardar, 10 ans (photo 5), trois des enfants de Mahajubeen, Chaghcharan, province de Ghôr : 

 


Les vagues de violence successives ont provoqué de vastes déplacements de population, tant en Afghanistan que vers les pays voisins (Iran et Pakistan). L’année 2016 représente un nouveau record en termes de mouvement de population : plus de 630 000 personnes ont fui leur village vers des lieux plus sûrs, plus de 560 000 Afghans ont quitté le Pakistan. Poussés à rentrer dans leur pays d’origine après parfois plus de 30 ans d’absence, on estime que 5,7 millions de ces Afghans exilés sont aujourd’hui de retour et ont de graves difficultés à s’établir, à se loger, à subvenir à leurs besoins et à avoir accès à des services de base. Les Nations unies estiment que plus de 250 000 personnes sont affectées par les catastrophes naturelles (inondations, glissements de terrain, séismes) chaque année, dans les différentes régions d’Afghanistan.

« Avant la guerre, nous avions une belle vie. Puis tout s’est écroulé ; nous avons perdu tous nos biens, notre maison a été brûlée. Aujourd’hui mes enfants ne mangent pas à leur faim, je n’ai rien à leur donner ; et nous devons aller puiser de l’eau dans la rivière car nos voisins refusent que nous nous servions de leur puits. »
Zahra, Chaghcharan, province de Ghôr.

Le conflit actuel continue d’empêcher les ONG d’accéder à certaines zones pour évaluer les besoins et mettre en place des programmes d’aide. Des services essentiels pour les populations restent toujours inaccessibles, surtout pour les communautés rurales et les personnes déplacées. Les années 2015 et 2016 ont été des années record en termes de nombre d’attaques contre les services de santé : 125 ont été rapportées en 2015, contre 59 en 2014 et 33 en 2013 ; le premier semestre 2016 comptabilisait déjà 64 attaques.

Bibi Kaky (à gauche) et Khodadat (à droite), originaires de la province voisine de Badghis. Chaghcharan, province de Ghôr.

 

Kimkhai (à gauche) et Khan Bibi (à droite), originaires de la province voisine de Badghis.
Chaghcharan, province de Ghôr.

Les plus vulnérables sont encore une fois les premières victimes : depuis 2013, le nombre d’enfants exposés aux violences ne cesse d’augmenter année après année. En 2016, une hausse de 15 % du nombre de jeunes victimes (2 461 enfants) était recensée par rapport à l’année précédente. Pourtant le nombre d’enfants tués par le conflit représente moins de 1 % du nombre d’enfants qui meurent de la malnutrition chaque année en Afghanistan. Des taux inquiétants de malnutrition aiguë globale et surtout de malnutrition aiguë sévère ont été notés, parfois bien au-dessus des seuils d’urgence, notamment dans des camps de déplacés.

Il a été établi que le conflit et l’insécurité sont des obstacles majeurs dans l’accès aux services de soins et ont un impact fort sur la malnutrition chronique et les retards de croissance, handicapant durablement l’avenir du pays.

« De laquelle de nos souffrances veux-tu que je te parle ? De notre pauvreté ? De celle d’être refugié ? De la douleur d’une nation entière ? Je ne sais même pas par où je devrais commencer… Regarde dans quelle situation nous sommes, mes enfants sont misérables. Regarde mes pieds, ils sont tellement sales. Regarde-moi, je n’ai rien, ni eau, ni pots pour ranger, ni quoi que ce soit, rien, je n’ai rien. Nous sommes bloqués ici, miséreux, mais si nous rentrons à Kunduz, de quoi allons-nous vivre ? »
Awara, Kaboul, province de Kaboul.

Afin de répondre efficacement et rapidement aux situations d’urgences provoquées par les conflits et les catastrophes naturelles soudaines, la Commission européenne a créé un mécanisme d’aide d’urgence appelé ERM pour Mécanisme de réponse d’urgence. Financé par le service de la Commission européenne à l’aide humanitaire et à la protection civile (ECHO), il vise à répondre à l’augmentation des besoins humanitaires et structurels auxquels une population fait face.

« Ma fille est malade depuis trois ans, oui cela fait maintenant trois ans. Elle a un impétigo sur la nuque, nous avons fait des tests au laboratoire, les docteurs nous ont dit qu’il fallait opérer et que cela nous coûterait entre 30 000 et 40 000 afghanis (420-560 euros). Mais même 5 000 afghanis, nous ne pourrions pas les dépenser, alors comment en trouver 40 000 ? »
Karim, Pul-e Khumri, province de Baghlan.

En Afghanistan, l’ERM a été lancé dès 2011. La mise en place de la réponse repose sur un réseau d’organisations humanitaires qui permettent d’assurer une large couverture géographique du pays. En mettant à leur disposition des ressources financières préalables, ECHO s’assure qu’elles pourront apporter une réponse humanitaire rapide aux besoins immédiats des communautés touchées par le conflit ou des catastrophes naturelles.

Zaïr Uddin, Maïmana, province de Faryab.

Dans un premier temps, l’ERM collecte et met en commun, dans des délais très courts, des informations sur la catastrophe en question. Pour réduire l’impact de la catastrophe sur les familles, l’ERM met en place une évaluation précise de leurs besoins et leur propose ensuite une réponse adaptée. Enfin, le mécanisme tente de faciliter l’accès humanitaire dans un pays devenu particulièrement dangereux.

Zarnegar et son fils Omid. Pul-e Khumri, province de Baghlan.

L’ERM regroupe actuellement huit ONG internationales : Action Contre la Faim (ACF), Acted, le Danish Committee for Aid to Afghan Refugees (DACAAR), le Danish Refugee Council (DRC), le Norwegian Refugee Council (NRC), People in Need (PIN), Première Urgence Internationale (PUI) et Solidarités International. Toutes ont une longue expérience de l’Afghanistan et respectent les principes humanitaires d’humanité, de neutralité, d’impartialité, d’indépendance et de transparence. Les secteurs couverts par l’ERM comprennent : les interventions monétaires ; l’eau, l’hygiène et l’assainissement ; la réduction du risque de désastre et la distribution d’abris ; la sécurité alimentaire et la nutrition.

« J’ai deux malades qui reposent sur mes épaules : ma vieille mère et ma fille malade. J’aimerais pouvoir passer de bons moments, avoir une vie remplie de joie, plus légère. Au moins ici, je suis au calme et rassurée. Mes enfants peuvent aller dehors sans crainte, et chercher du travail. Nous sommes en sécurité, et d’une certaine manière, cela me rend heureuse. » Sediqa (à droite), Herat, province de Herat.

« Ce sont des cartons d’emballage de jus de fruits que vous voyez sur le mur. Les gens riches les boivent. Nos enfants les récupèrent : nous les découpons pour les utiliser comme de petits rangements. » Tawarook, Chaghcharan, province de Ghôr.

Kadija et son cousin Mohamad, Herat, province de Herat.

ISBN of the article (HTML): 978-2-37704-242-5

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