Haïti : tensions entre aide humanitaire et développement dans le secteur de la santé

Andréanne Martel
Andréanne MartelChargée de programme au Conseil canadien pour la coopération internationale (CCCI) à Ottawa (Canada). Avant de rejoindre le CCCI, Andréanne travaillait au sein de la division des politiques et de l’évaluation du Centre de recherches en développement international (CRDI). Ses recherches portent entre autres sur la coordination humanitaire, la décentralisation et la collaboration intersectorielle entre les universitaires et les professionnels. Depuis 2010, elle a travaillé sur l’évaluation de plusieurs grands projets et programmes post-séismes mis en place à Haïti par des ONG et des organisations internationales.
Nicolas Lemay-Hébert
Nicolas Lemay-HébertMaître de conférences au département de politique de développement international à l’Université de Birmingham (Royaume-Uni). Nicolas est le corédacteur en chef du Journal of Intervention and Statebuilding et de la Routledge Series in Intervention and Statebuilding. Ses recherches portent entre autres sur la consolidation des États et de la paix, l’économie politique des interventions et les récits locaux de résistance aux interventions.
Patrick Robitaille
Patrick RobitailleDans le domaine de l’humanitaire depuis 2002, il a participé à plus de trente missions à l’étranger, principalement sur le continent africain et aussi en Asie, au Moyen-Orient et en Amérique latine. À Haïti, Patrick a travaillé avec Médecins Sans Frontières, la Croix-Rouge, Médecins du Monde et a réalisé des programmes d’évaluation pour les Nations unies, la Croix-Rouge et diverses ONGI. Il est titulaire d’une maîtrise en sciences politiques à l’Université du Québec à Montréal (UQAM) et il est aujourd’hui expert associé de l’Observatoire canadien sur les crises et l’aide humanitaire.

Depuis 2010 et le déferlement d’aide sur Haïti, l’île des Caraïbes est sans doute devenue le symbole de l’échec des grands programmes internationaux. Les objectifs conflictuels des acteurs de l’aide d’urgence et de ceux du développement sont, pour les trois auteurs, une des clés de cet échec.

La nécessité de combler le fossé entre l’aide humanitaire et les programmes de développement est aujourd’hui largement identifiée[1]Oxfam, Haïti : de l’urgence au relèvement. Soutenir la bonne gouvernance en Haïti après le séisme, janvier 2011, rapport disponible en ligne en français et en créole : … Continue reading. Néanmoins, ce fossé n’a jamais été aussi grand à Haïti. Comme le décrit Paul Farmer, médecin anthropologue :

«  l’aide humanitaire d’urgence n’est pas la reconstruction. Nous n’avons pas reconstruit Haïti malgré la mise en place d’un accès à l’eau potable pour 1,1 million d’habitants ; nous n’avons pas refait le pays avec l’installation de 11 000 latrines. “Reconstruire Haïti en mieux” signifie maintenir ces améliorations temporaires et y ajouter l’éducation, la santé, les services et une bonne gouvernance[2]Paul Farmer, “5 Lessons From Haiti’s Disaster”, Foreign Policy, 28  novembre 2010, http://foreignpolicy.com/2010/11/28/5-lessons-from-haitis-disaster. »

Néanmoins, l’opérationnalisation de cette stratégie se heurte à de nombreux obstacles. Par cet article, nous souhaitons explorer les tensions entre les mesures d’urgence et les activités de développement, en prenant le secteur de la santé à Léogâne comme objet d’étude. Le principal argument de l’article avance que les différentes activités liées à l’action humanitaire fonctionnent selon leurs propres logiques, et les efforts considérables investis dans les activités d’aide d’urgence ont eu un effet négatif sur l’objectif global de reconstruction d’Haïti « en mieux », et ce de manière durable, afin de briser le cercle de dépendance du pays avec la communauté internationale. Plutôt que de prétendre détenir des solutions toutes faites à apporter à ces problématiques extrêmement complexes, l’objectif de l’article est de réfléchir et de se faire l’écho des tensions produites par les mesures d’aide d’urgence de l’intervention humanitaire sur les structures locales et les programmes de développement. Pour explorer ce sujet, l’article porte son attention sur certains des éléments clés des « objectifs conflictuels[3]Sonja Grimm et Julia Leininger, “Not all good things go together : conflicting objectives in democracy promotion”, Democratization, vol. 19, n° 3, 2012, p. 391-414. » applicables à l’aide humanitaire et au développement[4]Roland Paris et Timothy D. Sisk, “Introduction : Understanding the contradictions of postwar statebuilding”, in Roland Paris et Timothy D. Sisk (dir.) The Dilemmas of Statebuilding : … Continue reading.

Nous espérons que cet article, basé sur des entretiens menés avec différents acteurs et intervenants dans les années qui suivirent le séisme, permettra aux professionnels et aux universitaires de réfléchir aux limites inhérentes de certaines politiques et cadres de référence, mais aussi aux formidables opportunités existantes afin d’améliorer la coordination entre les différents acteurs.

Les défis du secteur de la santé à Léogâne

L’épicentre du séisme de 2010 à Haïti, Léogâne, est une commune d’environ 200 000 habitants située à deux heures de la capitale du pays. La ville a été durement endommagée. On estime que 80 à 90 % des bâtiments de certains quartiers ont été détruits, notamment 60 % des infrastructures gouvernementales, administratives et économiques[5]Nous avons visité un hôpital et une clinique à Léogâne. Un an et demi après le séisme, ils n’étaient toujours pas totalement fonctionnels.. De premières estimations après le séisme comptabilisaient entre 20 000 et 30 000 morts uniquement dans cette commune[6]Lisa Millar, “Tens of thousands isolated at quake epicenter”, ABC News, 17  janvier 2010, www.abc.net.au/news/2010-01-17/tens-of-thousands-isolated-at-quake-epicentre/1211748.

Les services de santé à Haïti dépendent de quatre réseaux : les institutions publiques, et notamment les centres de santé administrés par l’État et les hôpitaux de référence ; des institutions mixtes publiques et non lucratives dont le personnel travaille aux côtés de fonctionnaires ; des organisations privées à but non lucratif, et notamment des institutions gérées par des ONG et par l’Église ou des organisations confessionnelles ; enfin, des cabinets médicaux privés à but lucratif[7]Keith Crane et al., “Building a More Resilient Haitian State”, RAND, 2010, www.rand.org/pubs/monographs/MG1039z1.html. À cet égard, le système de santé à Léogâne constitue donc un véritable microcosme représentatif du système de santé global haïtien.

Même avant le séisme, l’aide internationale représentait plus de la moitié du PIB haïtien ; un quart supplémentaire provenait des envois de fonds internationaux[8]Denis O’Brien, “Haiti’s potential waiting to be fulfilled”, in “Build Back Better : Strategies for Societal Renewal in Haiti”, Innovations, vol. 5, n° 4, MIT Press Journals, 2010, … Continue reading. On estime le nombre d’organisations non gouvernementales internationales (ONGI) en fonctionnement à Haïti avant le séisme entre 3 000 et 10 000, ce qui a valu à Haïti le surnom de « République des ONG[9]United State Institute for Peace (USIP), “Haiti : A Republic of NGOs ?”, USIP Peacebrief, 26  avril 2010. » avec le second nombre le plus élevé d’ONGI par habitant dans le monde[10]Daniel Trenton, “Bill Clinton tells diaspora : ‘Haiti needs you now’”, The Miami Herald, 10 août 2009.. De plus, la santé a toujours été une priorité pour les donateurs étrangers. Entre 2005 et 2009, 15 à 30 % des accords bilatéraux en matière d’aide à Haïti étaient destinés à la santé et aux programmes d’assistance à la population. Ce contexte conduit à de sévères critiques de la part des Haïtiens vis-à-vis des humanitaires, une situation qui réclame une réflexion éthique rigoureuse[11]Jean-François Mattei, « Haïti, ou l’éthique humanitaire en question », Alternatives Humanitaires, février  2016, p. 96-107, … Continue reading.

De la même façon, les caractéristiques du secteur de la santé avant le séisme doivent être prises en compte au moment d’évaluer les déséquilibres au sein de la réponse sanitaire. Avant le séisme, le secteur de la santé recevait moins de 5 % du budget gouvernemental et environ 40 % de la population bénéficiait d’un accès aux services de santé[12]Annie Kelly et Judy Roberts, Is Haiti’s health system any better ?, Merlin USA, rapport, 2010, p. 3-20, … Continue reading ; 75 % d’entre eux étaient fournis par des ONG ou des groupes religieux[13]Claude de Ville de Goyet, Juan Pablo Sarmiento et François Grünewald, « La réponse sanitaire à la suite du tremblement de terre en Haïti. Leçons à retenir pour la prochaine grande … Continue reading. Le secteur de la santé à Haïti souffrait de sous-financement et d’une coordination non rigoureuse de la part du ministère de la Santé publique et de la Population (MSPP). Une enquête sur la gouvernance du secteur de la santé mise en place par ce ministère en 2007 montre que le leadership et les mécanismes de régulation à Haïti étaient « faibles, voire très faibles » au niveau central, départemental et périphérique[14]Claude de Ville de Goyet et al., « La réponse sanitaire… », art. cit., p. 4.. Un tiers des infrastructures de santé étaient publiques, mais de mauvaises conditions, de bas salaires et un manque de coordination nationale ont décidé de nombreux professionnels de la santé à passer du secteur public national à des infrastructures privées ou non lucratives avant le séisme[15]Annie Kelly et Judy Roberts, Is Haiti’s health system…, op. cit..

L’impact des services gratuits sur les structures locales

Cette présence massive internationale a posé et continue de poser de nombreux problèmes pratiques à Haïti. La phase d’aide d’urgence s’est matérialisée par un flux continu de travailleurs étrangers venant participer aux services d’urgence, ainsi qu’une véritable armada d’ONGI à la rescousse des institutions haïtiennes à bout de souffle, transformant ainsi Port-au-Prince et les villes adjacentes en des villes meurtries, « prises d’assaut par des secouristes et travailleurs humanitaires[16]Paul Farmer, “Haiti after the earthquake”, Public Affairs, 2011. ». Cette présence internationale a provoqué des conséquences involontaires au cours de l’intervention. Deux des effets structurels que la phase d’aide d’urgence a eus sur la perspective de développement plus large d’Haïti seront précisément analysés ici : l’impact des services gratuits fournis par les acteurs internationaux sur les structures de santé haïtiennes, et l’inflation des salaires nourrie par la phase d’aide d’urgence de l’intervention.

L’un des grands débats entourant l’engagement international à Haïti, et a fortiori se rapportant à l’importance de l’action humanitaire, concerne la mise à disposition de soins de santé gratuits par certaines ONGI et l’impact d’une telle mesure sur le système de santé haïtien existant. Dans ce contexte, il existe une tension inhérente à l’accès à des soins gratuits – entre le droit à la santé et l’approche « do no harm » fournir des services de santé gratuits, en particulier pendant la phase d’urgence[17]Inter-Agency Standing Committee (IASC), « Directives opérationnelles de l’IASC sur la protection des personnes affectées par des catastrophes naturelles », janvier  2011, p. 35-36.. » Le droit à la santé est un élément essentiel de la phase d’aide d’urgence de l’action internationale. Néanmoins, comme il va en être discuté tout au long de cet article, le droit à la santé peut provoquer des conséquences inattendues et involontaires sur le système de santé local.

L’un des éléments principaux de l’approche « do no harm » se rapporte à l’impact de l’aide humanitaire sur une zone de conflit par le biais de transferts de ressources. Dans le cas d’une catastrophe naturelle qui survient dans un pays qui fait preuve d’une dépendance chronique à l’aide internationale, nous pouvons observer une logique perverse identique : est-ce que les services gratuits exacerbent la dépendance en Haïti post-séisme ?

Ce débat est très complexe et ne doit pas être abordé de manière légère. Il existe officiellement à Haïti un mécanisme d’exemption pour les pauvres au sein du système public. Malheureusement, ce mécanisme est insuffisamment réglementé et les patients les plus vulnérables ne peuvent y accéder. De plus, au sein de ces structures, les médicaments sont souvent en quantité limitée et doivent être achetés via le secteur privé.

Ces dynamiques ont un impact considérable sur l’accès aux soins pour les populations de pays à faible revenu tels que Haïti et les pays d’Afrique subsaharienne[18]Frédérique Ponsar et al., “No cash, no care : how user fees endanger health. Lessons learnt regarding financial barriers to healthcare services in Burundi, Sierra Leone, Democratic Republic of … Continue reading. Différents systèmes ont été mis en place pour retirer une partie ou la totalité des frais qui incombent aux usagers dans les pays à faible revenu, mais les difficultés survenues au moment de la mise en œuvre de telles mesures ont provoqué pour le moment des résultats limités[19]Bruno Meessen et al., “Removing user fees in the health sector : a review of policy processes in six sub-Saharan African countries”, Health policy and planning, 26. suppl 2 : ii16-ii29, 2011. … Continue reading.

Il ne fait aucun doute que la gratuité des services de santé sauve d’innombrables vies au sein d’un contexte où le manque d’accès aux soins pour une majeure partie de la population était déjà considéré comme « l’urgence oubliée » avant le séisme[20]Patralekha Chatterjee, “Haiti’s forgotten emergency”, The Lancet, vol. 372, n° 9639, 2008, p. 615-618.. On observe un large consensus qui affirme que les services de santé se sont améliorés depuis le séisme[21]Annie Kelly et Judy Roberts, Is Haiti’s health system…, op. cit.. Avant le tremblement de terre, seulement quelques cliniques fournissaient les principaux services de santé à Léogâne. Il n’existait pas d’hôpital de référence puisque l’hôpital Sainte-Croix ne fonctionnait pas correctement et la plupart des patients se rendaient alors directement à Port-au-Prince pour des traitements ou des consultations.

L’hôpital Chatuley géré par Médecins Sans Frontières (MSF) devint de loin le plus important fournisseur en matière de santé dans la région, réalisant entre 4 000 et 6 000 consultations et jusqu’à 400 accouchements par mois. Selon de nombreux entretiens réalisés sur le terrain, les acteurs locaux considèrent l’hôpital de MSF comme un ajout bénéfique pour la région. MSF estimait à l’époque que la moitié des usagers bénéficiant de ces consultations gratuites ne seraient habituellement pas venus à l’hôpital. Cette opinion est corroborée par le Plan intérimaire du secteur santé mis en place par le MSPP où l’on peut lire que 50 % des ménages déclarent ne pas avoir accès aux services de santé à cause du coût élevé[22]Rony Brauman, « Haïti : La médecine privée et les privés de médecine », Libération/Blog Issue de secours, 28  juillet 2010, … Continue reading.

L’analyse de l’action internationale à cet égard met au jour des problématiques troublantes. D’un côté, les organismes internationaux fournissent des services de santé de base qui étaient jusque-là inaccessibles à beaucoup d’Haïtiens. D’un autre côté, cette action peut s’avérer destructrice pour le fragile système de santé haïtien, et notamment pour les institutions privées et mixtes. Les institutions locales se retrouvent en concurrence active avec celles internationales. À cet égard, la gratuité des services de santé qui répond aux besoins de la phase d’aide d’urgence peut renforcer la logique de dépendance existante envers l’aide étrangère, et ce, sur des perspectives à moyen et long terme – c’est-à-dire pendant les phases de réhabilitation et de développement. Selon Oxfam, les services gratuits (qui ne se limitent pas au secteur de la santé) ont un « effet négatif sur les petites sociétés privées haïtiennes et les personnes fournissant traditionnellement une grande partie de ces services. Plusieurs cliniques, écoles et petites entreprises ont déjà déposé le bilan[23]Oxfam, « Haïti : de l’urgence au relèvement… », art. cit., p. 15. ». Les chercheurs de la RAND partagent cette analyse ; l’institution a conduit une étude approfondie sur la situation post-séisme à Haïti : « La gratuité des services de santé a été nécessaire pour répondre à la crise, mais la prolifération des services de soins gratuits a entraîné la fermeture de plusieurs hôpitaux dont le fonctionnement repose sur les frais payés par les usagers[24] Keith Crane et al., “Building a More Resilient…”, art. cit., p. 126.. »

Néanmoins, en réponse aux conséquences négatives sur les structures locales provoquées par la gratuité des services de santé, le gouvernement haïtien souhaite que les organismes internationaux commencent à facturer les services médicaux, un changement que de nombreuses ONG restent particulièrement réticentes à opérer. Le projet est d’arrêter graduellement les services gratuits et de facturer aux patients un pourcentage plus conséquent du montant total des frais[25]Patrick Adams, “Health care dynamics in Haiti”, The Lancet, vol. 376, n° 9744, 2010, p. 859-860..

Inflation des salaires et tensions locales

La tension entre les logiques d’urgence et de développement a également été nourrie par la hausse des salaires dans le pays due à des opérations d’aide d’urgence et des tensions créées par l’arrivée d’un grand nombre de volontaires à Haïti à la suite du séisme. L’afflux de docteurs étrangers a provoqué au moins une conséquence inattendue : « Elle a entraîné la fermeture de nombreuses cliniques privées et locales, et le déplacement des professionnels médicaux haïtiens, qui se sont retrouvés rapidement en compétition pour les patients au sein d’un marché dominé par des volontaires[26]Ibid., p. 859.. »

Pour Denis O’Brien, un entrepreneur reconnu à Haïti, « aussi essentielles et profitables que peuvent être les ONGI pour l’aide d’urgence post-séisme et le travail de réhabilitation, nous devons toutefois garantir que ces organismes ne balayent pas les professionnels les plus talentueux et éduqués ou ne produisent pas une inflation des salaires[27]Dennis O’Brien, “Haiti’s potential waiting to be fulfilled”, art. cit., p. 9. ». De la même façon, pour le rédacteur du Nouvelliste, Max Chauvet : « Avec leur budget infini et généreux, les ONG du secteur médical ont mis en place un système de soins de qualité et gratuits et ont débauché sans restriction les cadres qui faisaient marcher le secteur[28]Max Chauvet, « Où en est Haïti un an après le séisme ? », Le Nouvelliste, 13  janvier 2011.. » Jusqu’à ce que la situation change, « le secteur médical privé haïtien ne pourra pas survivre[29]Scott Farwell, “Haiti’s private medical sector collapsing as charities rush to provide free health care”, Dallas Morning News, 20  juin 2010. ». Par exemple, les infirmiers sont payés autour de 1 000  dollars par mois lorsqu’ils travaillent pour les principales ONGI, au lieu de 300 ou 400  dollars lorsqu’ils travaillaient dans le système privé. Pour beaucoup, obtenir un poste dans une ONG, c’était comme de gagner à la loterie.

Dans le contexte d’Haïti, toutes les ressources humaines nécessaires pour soutenir les ambitions des ONGI lors de la phase d’aide d’urgence ont bouleversé certaines des structures de santé existantes à travers tout le pays. Beaucoup des acteurs que nous avons rencontrés mentionnent le manque critique de ressources humaines dans le secteur médical à Léogâne. Ce qui explique que, dans ce contexte déjà insuffisant en matière de santé, la phase d’aide d’urgence de l’intervention internationale de 2010 a exacerbé les tensions autour des ressources locales.

Les structures internationales offrent des opportunités qui étaient simplement inexistantes au sein des structures publiques, notamment l’acquisition d’expériences précieuses en travaillant avec une multitude de collègues qualifiés nationaux et internationaux, et aussi l’accès à des formations et à des équipements médicaux de qualité.

Plusieurs ONG internationales ont depuis expatrié certains de leurs importants professionnels. Bien que ce soit une précieuse opportunité pour la carrière des personnes, cela contribue en même temps à la fuite des cerveaux qui affecte non seulement les structures privées de la santé, mais aussi la capacité globale du pays en matière de service de santé. Par conséquent, il est difficile de condamner le personnel médical haïtien qui préfère quitter des structures nationales pour travailler à l’international. Néanmoins, selon la même logique – parfaitement raisonnable et sensée –, les décisions prises par de nombreuses personnes se traduisent par de plus larges défis de développement pour l’ensemble de la communauté. Abaisser les salaires des professionnels locaux engagés par des organismes internationaux véhiculerait des messages contradictoires aux homologues et partenaires nationaux, particulièrement dans un contexte dicté par des conditions de vie et de travail relativement opulentes pour les fonctionnaires étrangers. De plus, abaisser les salaires des personnels locaux pourrait potentiellement amoindrir la motivation et également augmenter les risques de corruption.

Le manque de partenariat avec les acteurs locaux: le dilemme de l’inclusion-exclusion

Si l’inclusion ou le débauchage des professionnels locaux entraîne des tensions à Léogâne, l’exclusion des structures locales dans les prises de décision met en avant tout un ensemble de problématiques. Le partenariat est un principe essentiel de l’aide humanitaire, particulièrement depuis que ce principe a été ajouté comme quatrième pilier lors du processus de réforme par la création du Dispositif mondial d’aide humanitaire est un accord passé entre une trentaine des plus grands bailleurs de fonds et organisations de l’aide humanitaire, afin de donner davantage de moyens dans les mains des personnes dans le besoin. Pour plus de détails : www.agendaforhumanity.org/initiatives/3861)). Néanmoins, ce principe ne trouve pas de réalisation concrète au sein d’une politique efficace en Haïti et de nombreuses organisations internationales limitent leurs partenariats locaux à la participation d’acteurs nationaux (que ce soit des individus ou des organisations) à partir de la phase de mise en œuvre de leurs activités plutôt que de développer des collaborations constructives dès le début[30]Andréanne Martel, « La participation locale comme conditionnalité de l’aide ? L’expérience des camps de déplacés en Haïti », Politique et Sociétés, vol. 34, n° 3, 2015, … Continue reading. Un important rapport sur le système de santé à Haïti estime qu’une approche plus collaborative lors de l’intervention d’aide en cas de catastrophe est nécessaire afin de « mieux soutenir la réhabilitation sur le long terme des systèmes de santé[31]Annie Kelly et Judy Roberts, Is Haiti’s health system…, op. cit., p. 3. ». En concordance avec les arguments présentés ci-dessus, l’article soutient qu’une approche collaborative doit être mise en œuvre dès les activités d’urgence.

La perception internationale qui prévaut dans la plupart des interventions étrangères à la suite de catastrophes est généralement celle de la tabula rasa ou de la « coquille vide », où tout doit être acheminé de l’extérieur[32]Nicolas Lemay-Hébert, “The empty-shell approach : The setup process of international administrations in Timor-Leste and Kosovo, its consequences and lessons”, International Studies … Continue reading. En Haïti, « le postulat de départ chez beaucoup des équipes internationales était que l’offre locale de soins de santé était inexistante ou minime[33]Annie Kelly et Judy Roberts, Is Haiti’s health system…, op. cit., p. 8. », confondant ainsi le complexe système de santé haïtien avec la faiblesse de ses structures de santé publique. L’approche du « nous allons le faire nous-mêmes » prévalait comme c’est habituellement le cas à la suite de catastrophes. Néanmoins, si l’acteur étranger engagé dans la phase d’aide d’urgence attend la fin de son projet avant de développer des partenariats locaux, ces collaborations n’auront probablement jamais lieu, ou ne seront pas viables sur le long terme. Un trop grand nombre d’ONGI ne s’engagent pas dans des partenariats spécifiques avec les institutions locales ; néanmoins, il existe plusieurs exceptions, et notamment Partners in Health[34]Laura Zanotti, “Cacophonies of aid, failed state building and NGOs in Haiti : Setting the stage for disaster, envisioning the future”, Third World Quarterly, vol. 31, n° 5, 2010, … Continue reading ou le Mouvement international de la Croix-Rouge, qui développe ses programmes avec l’aide de partenaires nationaux, en l’occurrence avec la Croix-Rouge haïtienne. En même temps, ces partenariats répondent davantage à la logique de la reconstruction et du développement plutôt qu’à celle de secours au sens strict du terme, ce qui rend difficile pour ces organismes d’inclure cette priorité à la suite d’une catastrophe d’origine naturelle ou humaine.

En pratique, la plupart des activités de renforcement des capacités et de l’« appropriation locale » promues par les acteurs internationaux à Léogâne semblent avoir été destinées à leurs propres équipes plutôt qu’aux structures haïtiennes en tant que telles. Les ONGI et les acteurs semi-privés embauchent du personnel médical local pour travailler dans leurs structures à des degrés divers selon la nature de l’acteur étranger et de ses besoins, de sa stratégie et de son engagement sur le terrain. Du point de vue international, l’embauche d’un personnel soignant local peut avoir un impact bénéfique sur la formation des médecins et des infirmiers du pays. Néanmoins, cette vision restrictive des activités de renforcement des compétences ne devrait pas être confondue avec de véritables partenariats entre les institutions locales et leurs homologues étrangers. Comme nous l’avons mentionné, après plus d’une année à Léogâne, la plupart des organisations n’avaient toujours pas mis en place de partenariats spécifiques avec les institutions locales. Certains organismes n’ont même pas pris la peine d’essayer de développer de telles collaborations, convaincus qu’aucune organisation régionale n’avait les compétences nécessaires pour mener à bien leur travail. D’autres acteurs internationaux aimeraient développer de tels partenariats afin de confier leurs cliniques et services, mais ils se retrouvent confrontés à la difficulté de maintenir ce besoin comme une priorité quotidienne au sein de leur propre organisation. Finalement, d’autres acteurs essayent de faire la transition vers des collaborations plus viables et durables, mais il est difficile de concrétiser des partenariats après plus d’une année à travailler au sein de leurs propres structures et avec leurs priorités. À cela s’ajoutent les priorités parfois contradictoires définies par différents acteurs (locaux et internationaux), et aussi le rôle confus joué par certains fonctionnaires motivés par des intérêts personnels vis-à-vis du développement du secteur privé. Comme en témoignent des expériences à court terme en matière de santé mondiale dans de nombreux pays à faible revenu ou intermédiaire, le rôle de l’engagement local à travers les partenariats est fondamental afin de limiter les écueils potentiels[35]Lawrence C. Low et al., “Short term global health experiences and local partnership models : a framework”, Globalization and Health, 11:50, 2015..

La marginalisation des acteurs locaux pendant la phase d’aide d’urgence a clairement accéléré l’érosion des capacités locales[36]Andréanne Martel, « Coordination humanitaire en Haïti : le rôle des clusters dans l’externalisation de l’aide », Mondes en développement, vol. 165, n° 1, 2014.. Cela ne veut pas dire que les acteurs du pays ont la capacité – ou même parfois la volonté – de faire face et de gérer sans l’aide de personne d’importantes crises telles que l’épidémie du choléra en octobre 2010 ou le séisme de janvier 2010 ou plus récemment l’ouragan Matthew en octobre 2016. Néanmoins, marginaliser les acteurs nationaux ne fait que produire plus de mécontentement et de ressentiment dès les premières étapes de l’intervention, et potentiellement provoquer par la suite de nouvelles difficultés lors des activités de réhabilitation et de développement. De plus, les acteurs locaux ont un atout difficile à quantifier lors de l’évaluation des besoins d’urgence : la sensibilité culturelle – une compréhension particulière et spécifique du contexte sociopolitique local – et également une perspective sur le long terme concernant les problèmes qu’ils doivent affronter. Du point de vue international, le mauvais état des infrastructures locales et certaines limites structurelles (corruption ou incompétence apparente) ont dissuadé les acteurs étrangers de travailler efficacement avec leurs homologues locaux. Les acteurs locaux ont tendance à envisager le problème sous un angle inverse, en pointant le fait que la marginalisation initiale des Haïtiens fonctionne comme une prophétie autoréalisatrice qui contribue à la détérioration du potentiel haïtien et ainsi alimente le phénomène de fuite des cerveaux. Six années après le séisme, l’ouragan Matthew a démontré l’importance de l’intégration des ressources des communautés locales dans la préparation aux catastrophes, car les Haïtiens s’appuient principalement sur les réseaux familiaux et des formes locales de solidarité. Ces dispositions devraient également être intégrées dans d’autres phases et notamment celle de la réhabilitation et de la reconstruction[37]Louis Herns Marcelin, Toni Cela et James M. Shultz, “Haiti and the politics of governance and community responses to Hurricane Matthew”, Disaster Health, vol. 3, n° 4, 2016, p. 151-161..

Dans le même temps, la coordination entre les acteurs internationaux et les partenaires locaux est depuis longtemps un point litigieux à Haïti, et ce, même avant le séisme. Le MSPP est théoriquement responsable de la coordination, de la régulation et du leadership concernant le système de santé haïtien, tandis qu’au niveau national c’est le ministère de la Planification et de la Coopération externe (MPCE) qui a pour mandat de coordonner et d’encadrer l’organisation du développement économique et social. Dans ce contexte, le MPCE est le pilier de la coordination entre les acteurs externes et le gouvernement haïtien. En réalité, les institutions haïtiennes n’ont pas cette capacité depuis le séisme et leurs capacités étaient clairement limitées avant même le tremblement de terre. Les acteurs internationaux comme l’OMS ont clairement pris l’initiative en adoptant ce qui a été appelé « l’approche par cluster ». Il est généralement reconnu par des acteurs locaux et internationaux que le MSPP manque profondément de leadership dans la commune de Léogâne[38]Andréanne Martel, «  Coordination humanitaire en Haïti… », art. cit.. Il semble qu’il y ait un manque de motivation et de ressources pour mettre en œuvre une véritable coordination sur le terrain. Dans ce contexte, les ONGI et les organisations locales ont été très frustrées du manque de leadership du MSPP.

Leçons

Cette contribution a mis en évidence les différentes « conséquences involontaires » de la phase d’aide d’urgence sur l’objectif plus vaste du développement en Haïti. Ce faisant, nous nous sommes focalisés sur les « conflits d’objectifs » qu’il semble important de garder à l’esprit lors de l’élaboration des politiques et des réponses au lendemain d’une crise, analyser l’impact de la gratuité des services de soins médicaux sur les structures de santé locale, le problème de l’inflation des salaires et les tensions créées par l’arrivée massive de travailleurs étrangers et enfin l’exclusion des acteurs locaux des activités d’aide d’urgence. Plutôt que de prétendre détenir des solutions toutes faites à apporter à ces problématiques extrêmement complexes, l’objectif de l’article était de réfléchir et d’évoquer les tensions produites par les mesures d’urgence sur les programmes de développement et les structures locales de santé. Nous suggérons que tous les acteurs (locaux et internationaux) ont besoin de comprendre l’interaction entre les différentes activités de l’intervention. En même temps, les crises et les interventions qui en découlent ne sont pas condamnées aux effets négatifs sur le développement de la société d’accueil. Nous approuvons les propos de Daphne Hemily qui écrit « qu’il existe des opportunités qui doivent être reconnues  »[39]Daphne Hemily, Creating Opportunities From Crisis: Exploring the Potential for Post-Conflict Health Care Systems, Lambert Academic Publishing, 2010, p. 39., et notamment renforcer la légitimité du gouvernement, un meilleur accès aux ressources internationales, et former des spécialistes capables de soutenir les capacités humaines sur le terrain. À cet égard, comprendre les objectifs conflictuels de l’aide d’urgence et des activités de développement est un pas en avant vers des interventions humanitaires plus efficaces et durables.

Traduit de l’anglais par Gauthier Lesturgie

ISBN de l’article (HTML) : 978-2-37704-364-4

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References

References
1 Oxfam, Haïti: de l’urgence au relèvement. Soutenir la bonne gouvernance en Haïti après le séisme, janvier 2011, rapport disponible en ligne en français et en créole : www.oxfam.org/fr/rapports/haiti-de-lurgence-au-relevement
2 Paul Farmer, “5 Lessons From Haiti’s Disaster”, Foreign Policy, 28  novembre 2010, http://foreignpolicy.com/2010/11/28/5-lessons-from-haitis-disaster
3 Sonja Grimm et Julia Leininger, “Not all good things go together : conflicting objectives in democracy promotion”, Democratization, vol. 19, n° 3, 2012, p. 391-414.
4 Roland Paris et Timothy D. Sisk, “Introduction : Understanding the contradictions of postwar statebuilding”, in Roland Paris et Timothy D. Sisk (dir.) The Dilemmas of Statebuilding: Confronting the Contradictions of Postwar Peace Operations, Routledge, Londres, 2009, p. 1-20.
5 Nous avons visité un hôpital et une clinique à Léogâne. Un an et demi après le séisme, ils n’étaient toujours pas totalement fonctionnels.
6 Lisa Millar, “Tens of thousands isolated at quake epicenter”, ABC News, 17  janvier 2010, www.abc.net.au/news/2010-01-17/tens-of-thousands-isolated-at-quake-epicentre/1211748
7 Keith Crane et al., “Building a More Resilient Haitian State”, RAND, 2010, www.rand.org/pubs/monographs/MG1039z1.html
8 Denis O’Brien, “Haiti’s potential waiting to be fulfilled”, in “Build Back Better : Strategies for Societal Renewal in Haiti”, Innovations, vol. 5, n° 4, MIT Press Journals, 2010, p. 7-11.
9 United State Institute for Peace (USIP), “Haiti : A Republic of NGOs ?”, USIP Peacebrief, 26  avril 2010.
10 Daniel Trenton, “Bill Clinton tells diaspora : ‘Haiti needs you now’”, The Miami Herald, 10 août 2009.
11 Jean-François Mattei, « Haïti, ou l’éthique humanitaire en question », Alternatives Humanitaires, février  2016, p. 96-107, http://alternatives-humanitaires.org/fr/2016/01/18/haiti-ou-lethique-humanitaire-en-question
12 Annie Kelly et Judy Roberts, Is Haiti’s health system any better?, Merlin USA, rapport, 2010, p. 3-20, https://reliefweb.int/sites/reliefweb.int/files/resources/213DD606ABE0EE328525781800702CD6-Full_Report.pdf
13 Claude de Ville de Goyet, Juan Pablo Sarmiento et François Grünewald, « La réponse sanitaire à la suite du tremblement de terre en Haïti. Leçons à retenir pour la prochaine grande catastrophe », Organisation panaméricaine de la santé, 2011, www.paho.org/disasters/index.php?option=com_docman&view=download&alias=2006-la-reponse-sanitaire-a-la-suite-du-tremblement-de-terre-en-haiti-janvier-2010-resume&category_slug=books&Itemid=1179&lang=en
14 Claude de Ville de Goyet et al., « La réponse sanitaire… », art. cit., p. 4.
15 Annie Kelly et Judy Roberts, Is Haiti’s health system…, op. cit.
16 Paul Farmer, “Haiti after the earthquake”, Public Affairs, 2011.
17 Inter-Agency Standing Committee (IASC), « Directives opérationnelles de l’IASC sur la protection des personnes affectées par des catastrophes naturelles », janvier  2011, p. 35-36.
18 Frédérique Ponsar et al., “No cash, no care : how user fees endanger health. Lessons learnt regarding financial barriers to healthcare services in Burundi, Sierra Leone, Democratic Republic of Congo, Chad, Haiti and Mali”, International Health, vol. 3, n° 2, 2011, p. 91-100.
19 Bruno Meessen et al., “Removing user fees in the health sector : a review of policy processes in six sub-Saharan African countries”, Health policy and planning, 26. suppl 2 : ii16-ii29, 2011. Valerie Ridde et Florence Morestin, “A scoping review of the literature on the abolition of user fees in health care services in Africa”, Health Policy Plan, janvier  2011, vol. 26, n° 1, p. 1-11.
20 Patralekha Chatterjee, “Haiti’s forgotten emergency”, The Lancet, vol. 372, n° 9639, 2008, p. 615-618.
21 Annie Kelly et Judy Roberts, Is Haiti’s health system…, op. cit.
22 Rony Brauman, « Haïti : La médecine privée et les privés de médecine », Libération/Blog Issue de secours, 28  juillet 2010, http://humanitaire.blogs.liberation.fr/2010/07/28/haiti-la-medecine-privee-et-les-prives-de-medecine
23 Oxfam, « Haïti : de l’urgence au relèvement… », art. cit., p. 15.
24 Keith Crane et al., “Building a More Resilient…”, art. cit., p. 126.
25 Patrick Adams, “Health care dynamics in Haiti”, The Lancet, vol. 376, n° 9744, 2010, p. 859-860.
26 Ibid., p. 859.
27 Dennis O’Brien, “Haiti’s potential waiting to be fulfilled”, art. cit., p. 9.
28 Max Chauvet, « Où en est Haïti un an après le séisme ? », Le Nouvelliste, 13  janvier 2011.
29 Scott Farwell, “Haiti’s private medical sector collapsing as charities rush to provide free health care”, Dallas Morning News, 20  juin 2010.
30 Andréanne Martel, « La participation locale comme conditionnalité de l’aide ? L’expérience des camps de déplacés en Haïti », Politique et Sociétés, vol. 34, n° 3, 2015, p. 9-36.
31 Annie Kelly et Judy Roberts, Is Haiti’s health system…, op. cit., p. 3.
32 Nicolas Lemay-Hébert, “The empty-shell approach : The setup process of international administrations in Timor-Leste and Kosovo, its consequences and lessons”, International Studies Perspectives, vol. 12, n° 2, 2011, p. 190 – 211.
33 Annie Kelly et Judy Roberts, Is Haiti’s health system…, op. cit., p. 8.
34 Laura Zanotti, “Cacophonies of aid, failed state building and NGOs in Haiti : Setting the stage for disaster, envisioning the future”, Third World Quarterly, vol. 31, n° 5, 2010, p. 751-771.
35 Lawrence C. Low et al., “Short term global health experiences and local partnership models : a framework”, Globalization and Health, 11:50, 2015.
36 Andréanne Martel, « Coordination humanitaire en Haïti : le rôle des clusters dans l’externalisation de l’aide », Mondes en développement, vol. 165, n° 1, 2014.
37 Louis Herns Marcelin, Toni Cela et James M. Shultz, “Haiti and the politics of governance and community responses to Hurricane Matthew”, Disaster Health, vol. 3, n° 4, 2016, p. 151-161.
38 Andréanne Martel, «  Coordination humanitaire en Haïti… », art. cit.
39 Daphne Hemily, Creating Opportunities From Crisis: Exploring the Potential for Post-Conflict Health Care Systems, Lambert Academic Publishing, 2010, p. 39.

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