L’hybridation de l’humanitaire : des citoyens ordinaires dans les camps de migrants en France

Marjorie Gerbier-Aublanc
Marjorie Gerbier-AublancDocteure en sociologie, Marjorie Gerbier-Aublanc s’intéresse aux trajectoires (administratives, sociales et de santé) des migrants et aux pratiques de solidarités associatives, humanitaires et citoyennes qui les façonnent en France. Sa thèse de doctorat, réalisée au CEPED grâce au soutien de Sidaction et des Fonds de dotation Pierre Bergé, a porté sur les mobilisations associatives de femmes migrantes d’Afrique subsaharienne dans la cause du VIH. Elle a ensuite conduit une recherche autour des enjeux de la pluralisation des acteurs de l’aide dans les camps de migrants à Calais et à Paris, grâce à une bourse postdoctorale de la Fondation Croix-Rouge française et du groupe Malakoff Médéric. Affiliée à l’EHESS, elle mène actuellement une recherche postdoctorale, cofinancée par la Mairie de Paris dans le cadre de l’ANR Babels, autour des logiques de l’hospitalité individuelle en direction des migrants en Île-de-France, à partir d’une étude des modalités de leur accueil chez l’habitant.

En 1968, des médecins français faisaient le choix de se rendre au Biafra pour aider le peuple Igbo. Plus tard, ils assistèrent les migrants en mer de Chine et ailleurs. Désormais, à côté des ONG, des citoyens ordinaires, scandalisés par le sort réservé aux migrants s’engagent ici, en France, pour répondre à cette crise. Ce faisant, ils inventent une nouvelle manière de s’engager dans l’humanitaire.

Les politiques migratoires européennes ont produit depuis 2015 une crise humanitaire sans précédent autour de l’accueil des migrants[1]Babels, De Lesbos à Calais : comment l’Europe fabrique des camps, Éditions du Passager Clandestin, 2017., rendue particulièrement visible par le camp-bidonville de Calais et les campements de rue parisiens en France. En ces lieux, la survie des migrants a mobilisé une pluralité d’acteurs aux logiques distinctes. Des travaux récents pointent notamment le renouvellement des solidarités citoyennes[2]Madeleine Trépanier, « Les Britanniques à Calais. La solidarité européenne à l’échelle locale dans une ville-frontière », Multitudes, vol. 3, n° 64, 2016, p. 82- 91 ; Yasmine Bouagga et … Continue reading, mais peu d’études ont analysé les logiques pratiques, éthiques et politiques qui les sous-tendent[3]Marjorie Gerbier-Aublanc, « L’improvisation humanitaire : potentialités et limites des solidarités citoyennes dans les camps de migrants à Calais et à Paris », Fondation Croix-Rouge … Continue reading. Je propose d’alimenter la compréhension de ce phénomène en explorant les continuités et reconfigurations de l’action humanitaire, liées à l’intervention de « citoyens ordinaires » dans les camps de migrants de Calais et de Paris[4]Ces réflexions ont émergé d’une enquête socio-ethnographique réalisée à partir d’observations et d’entretiens menés à Calais à l’automne 2016 et à Paris à l’hiver 2017, entre … Continue reading. J’examinerai le processus « d’hybridation de l’humanitaire » qui émerge de ces initiatives citoyennes improvisées dans un contexte hautement politisé : celui d’un État démocratique produisant, par sa politique migratoire, une crise humanitaire à domicile. La politisation des citoyens ordinaires sur ces terrains humanitaires me mènera à discuter les rapports entre humanitaire et politique. Avant d’en venir aux faits, un retour sur l’entrelacement historique de ces deux concepts semble nécessaire.

L’humanitaire et le politique : un entrelacement historique

Le modèle « sans-frontiériste », dont la naissance est communément associée à la guerre du Biafra, influence depuis près de cinquante ans les générations successives d’acteurs du monde humanitaire moderne[5]Marc-Antoine Pérouse de Montclos, Les Humanitaires dans la guerre. Des idéaux à l’épreuve de la politique, La Documentation française, 2012 ; Eleanor Davey, « L’action humanitaire au-delà … Continue reading. Bien que revendiquant des formes d’intervention apolitiques, l’humanitaire sans-frontiériste n’a historiquement cessé d’être connecté au politique[6]Miriam Ticktin, “Where ethics and politics meet : the violence of humanitarism in France”, American Ethnologist, n° 33, 2006, p. 33-49.. Le droit d’ingérence humanitaire, ainsi que la pratique du témoignage sont deux principes fondateurs qui symbolisent un rapport originel ambigu du sans-frontiérisme au politique. D’un côté, le pouvoir de transcender la souveraineté des États dans des circonstances sanitaires, politiques, écologiques exceptionnelles afin de venir en aide aux populations en danger. D’un autre, la recherche d’une portée politique via la médiatisation et la dénonciation publique du non-respect des droits humains dans certains contextes d’intervention. L’histoire de l’humanitaire moderne met également en lumière le rôle stratégique joué par ses organisations dans l’issue politique de certains conflits[7]Boris Martin, L’Adieu à l’humanitaire ? Les ONG au défi de l’offensive néolibérale, Éditions Charles Léopold Mayer, 2015 ; Rony Brauman, Penser dans l’urgence : parcours critique d’un … Continue reading ; rôle parfois façonné par les visées politiques des États occidentaux comme l’ont montré certaines interventions au Biafra. En outre, les organisations humanitaires sont historiquement intervenues dans les pays du Sud afin de répondre aux crises provoquées par leurs États d’origine pour des raisons historiques de type colonialiste, tel qu’au Biafra, ou contemporaines de type géopolitique comme le soulignent les conflits actuels alimentés par les intérêts stratégiques occidentaux. La crise déchirant l’Afghanistan depuis plusieurs décennies en est une illustration particulière[8]Christine Delphy, « Une guerre pour les femmes afghanes ? », Nouvelles Questions Féministes, vol. 21, n° 1, 2002, p. 98-109.. Dans de tels contextes, les idéaux humanitaires sont mis à l’épreuve du politique et les effets pervers de l’aide sont multiples et inévitables : contribution indirecte aux économies de guerre, instrumentalisation par les acteurs belligérants et étatiques, absorption au sein de logiques économiques néolibérales[9]Marc-Antoine Pérouse de Montclos, Les Humanitaires dans la guerre…, op. cit. ; Boris Martin, L’Adieu
à l’humanitaire ?…, op. cit. ; Jérôme Larché, Le Déclin de l’empire … Continue reading. Produite, contrainte, parfois façonnée par les décisions politiques, l’intervention humanitaire est par là même porteuse de discours, de positionnements, d’effets et de catégories politiques indéniables[10]Miriam Ticktin, Casualties of care : immigration and the politics of humanitarianism in France, University of California Press, 2011.. Cette histoire politique de l’humanitaire au Sud trouve une résonnance particulière dans la crise européenne de l’accueil des migrants, au sein de laquelle l’intervention de citoyens ordinaires laisse entrevoir un processus d’hybridation de l’humanitaire entre improvisation des pratiques et politisation des acteurs.

L’improvisation humanitaire à domicile

Si l’aide aux migrants en Europe semble mettre en lumière un « retour » de l’humanitaire à domicile, la conduite d’interventions domestiques n’est pas un phénomène nouveau. En atteste la mission France ouverte par Médecins du Monde depuis 1986, qui compte aujourd’hui une centaine de programmes visant l’accès aux soins des populations en situation de vulnérabilité[11]Médecins du Monde, « La mission France de Médecins du Monde. Un accès aux soins pour les plus vulnérables », 2011.. Cette crise des politiques européennes révèle cependant le renouvellement des acteurs et des pratiques humanitaires et la place croissante occupée par des « citoyens ordinaires » dans ce champ d’intervention. On les nomme « bénévoles » ou « volontaires » à Calais, « soutiens » à Paris. Je les qualifie de « citoyens ordinaires » en ce qu’il s’agit d’individus aux statuts juridiques divers investissant la cause des migrants tandis qu’ils n’étaient pas connectés aux sphères militantes et qu’ils avaient peu conscience des réalités et des effets pratiques des politiques migratoires sur l’existence des individus. C’est généralement la médiatisation de l’intolérable – les images des morts en Méditerranée et des camps de réfugiés en Europe –, ainsi que la perception de leur responsabilité morale pour transformer cette situation qui justifient chez ces individus le développement d’une « sensibilité humanitaire[12]Thomas L. Haskell, « Capitalism and the origins of the humanitarian sensibility », The American Historical Review, vol. 90, n° 3, juin 1985, p. 547-566. ».

Celle-ci s’inscrit cependant dans un ensemble de « dispositions critiques[13]Lilian Mathieu, « Les ressorts sociaux de l’indignation militante. L’engagement au sein d’un collectif départemental du Réseau éducation sans frontière », Sociologie, vol. 1, n° 3, 2010, … Continue reading » qui expliquent leur passage à l’action : une socialisation politique, intellectuelle, artistique ou encore religieuse, mais également l’expérience personnelle du voyage ou de l’émigration-immigration. À Paris, la présence de campements « en bas de chez soi » a constitué un élément déterminant de la mobilisation des riverains tout autant indignés et culpabilisés par les conditions de survie imposées aux migrants que préoccupés par le maintien de la paix sociale au sein de leur quartier[14]Isabelle Coutant, Les Migrants en bas de chez soi, Le Seuil, 2018.. Dans les camps de Calais et de Paris, ces citoyens ordinaires sont intervenus aux interstices d’une action publique insuffisante, voire inexistante, et de l’intervention d’ONG humanitaires spécialisées dans le secteur de la santé et de l’hygiène. Se structurant dans l’urgence, ils ont improvisé au quotidien des réponses à une multitude de besoins primaires non satisfaits par les autres acteurs : s’abriter, se nourrir, se vêtir, se réchauffer, se laver, évacuer ses déchets, parfois même se soigner. Le bricolage organisationnel est pour ce faire apparu comme un outil d’improvisation privilégié, reposant sur la constitution de collectifs informels et horizontaux, une coordination de terrain artisanale et souple, le recrutement peu sélectif des bénévoles et leur (in)formation sur le tas, ainsi qu’un turn-over important assurant le renouvellement continu des ressources humaines. Cette improvisation reposait sur un fonctionnement « à la carte » et « au clic », flexible et sans engagement, où les individus participaient selon leurs envies et disponibilités tandis que le travail de logistique passait par une mobilisation intensive des réseaux sociaux. L’action humanitaire diffère donc ici du fonctionnement des grandes ONG, plus institutionnalisé d’un point de vue organisationnel. En effet, bien qu’elles conservent une portée politique importante, la structuration interne des grandes organisations humanitaires s’est progressivement effectuée autour d’impératifs gestionnaires, de logiques de systématisation des pratiques et de professionnalisation des acteurs[15]Pascal Dauvin et Johanna Siméant, Le Travail humanitaire. Les acteurs des ONG du siège au terrain, Presses de Sciences Po, 2002 ; Ludovic Joxe, « Médecins Sans Frontières : to be professional or … Continue reading. Les initiatives citoyennes illustrent en ce sens une mutation organisationnelle postmoderne de l’intervention humanitaire. Par ailleurs, au-delà de viser leur survie biologique, les actions entreprises au quotidien par les citoyens ordinaires accordaient une importance particulière à l’entretien de la survie sociale et de la dignité des migrants ; les liens interpersonnels noués sur le terrain, l’écoute, le respect des choix, la reconnaissance des capacités d’agir, l’inclusion des migrants à tous les niveaux d’intervention étant au cœur de l’éthique de l’improvisation. Notons qu’en plus de répondre aux besoins de première nécessité, les citoyens ordinaires diffusaient par différents vecteurs un ensemble d’informations au sein des camps. Par exemple, à Calais comme à Paris, l’improvisation de cours de français a non seulement permis aux migrants d’acquérir des bases linguistiques, mais ces cours se sont également posés comme des espaces privilégiés d’expression de soi, de confidences et d’accès à l’information[16]Babels, Entre accueil et rejet. Ce que les villes font aux migrants, Éditions du Passager Clandestin, 2018 ; Marjorie Gerbier-Aublanc, « L’improvisation humanitaire… », art. cit., p. 16-17.. Intervenant sur des terrains sur lesquels la multiplicité des urgences quotidiennes s’articule à un manque chronique de ressources humaines, les citoyens ordinaires ont cependant eu tendance à assumer des tâches pour lesquelles ils manquaient de compétences. Leurs interventions basées sur la théorie des petites mains[17]Madeleine Trépanier, « Les Britanniques à Calais… », art. cit. ont alors parfois pu desservir l’objectif poursuivi et remettre en question les « bonnes pratiques » humanitaires. Par ailleurs, la mobilisation « sans engagement » s’est avérée illusoire. Les citoyens ordinaires ont plutôt eu tendance à s’investir corps et âme dans l’aide aux migrants, à surinvestir le terrain et à s’épuiser, parfois à remettre en question certaines dimensions (professionnelle, sociale, affective) de leur vie personnelle ; dans tous les cas, à redéfinir les frontières de leur vie ordinaire[18]Marjorie Gerbier-Aublanc, « Un migrant chez soi », Esprit, vol. 7-8, n° 446, juillet-août 2018,
p. 122-129.. L’improvisation humanitaire comporte ainsi des limites qui interrogent le transfert de l’action publique sur des citoyens ordinaires. Au-delà d’une mobilisation humanitaire d’urgence, l’intervention de ceux-ci auprès de migrants s’est inévitablement confrontée au traitement politique qui leur est réservé en France.

Quand l’humanitaire se mêle au politique : des liaisons dangereuses

L’improvisation humanitaire s’est en ce sens avérée particulièrement propice à l’instrumentalisation étatique des ressources citoyennes. J’ai montré comment, lors de la destruction du camp de Calais, la légitimité des citoyens ordinaires auprès de migrants a été utilisée afin de garantir le déroulement « humanitaire » des opérations tout en permettant au gouvernement de maintenir secrètes les modalités du démantèlement[19]Marjorie Gerbier-Aublanc, « L’humanitaire instrumentalisé à Calais », Plein droit, n° 112, mars 2017, p. 32-35.. Au sein des campements, les pouvoirs publics pouvaient par là même se contenter d’une intervention minimale sans craindre que les migrants ne meurent sur le territoire national, utilisant les ressources citoyennes comme « relais de terrain » sans pour autant répondre à leurs doléances comme le souligne avec amertume la coordinatrice d’un collectif citoyen. Ainsi, les soutiens parisiens ont reçu avec un mélange de frustration et de soulagement le communiqué de presse publié par MSF en janvier  2017, tandis qu’ils avaient réalisé « un boulot monstre pendant des mois » sans se sentir entendus par les instances gouvernementales, auxquelles ils adressaient les mêmes alertes que l’ONG autour des délogements nocturnes violents des migrants par les forces de police durant le mois de décembre  2016. L’action humanitaire à domicile apparaît ici comme une dimension fondamentale de l’action publique, permettant à l’État de poursuivre une politique hostile aux migrants, aux frontières du droit, en répondant au compte-gouttes aux alertes d’acteurs humanitaires perçus comme légitimes. L’intervention de MSF dans les médias, immédiatement suivie d’une extension préfectorale de la protection de la trêve hivernale aux personnes vivant en bidonville, dans des tentes et abris de fortune, souligne combien les grandes ONG humanitaires ont historiquement construit leurs « capacités de nuisance » et jouissent à la différence des citoyens ordinaires d’une légitimité à mettre en cause l’(in)action des États[20]Boris Martin, L’Adieu à l’humanitaire ? …, op. cit., y compris de l’État français. Les recherches antérieures sur l’engagement dans la cause des migrants ont pointé les tensions, pour les militants historiques du droit des étrangers, du passage d’activités de plaidoyer à l’action humanitaire[21]Mathilde Pette, « Les associations dans l’impasse humanitaire ? », Plein droit, n° 104, mars 2015, p. 22-26.. À Paris comme à Calais, certains collectifs citoyens se sont d’emblée placés dans une posture militante, érigeant le « beurrage de tartine » et la « distribution de couvertures » en actes politiques, via une communication massive sur les réseaux sociaux, des alertes lancées aux pouvoirs publics et l’occupation physique de la rue[22]Julie Sebahoun, « “Et maintenant, on s’installe où ? Ethnographie de trois campements d’exilés, entre février et mai 2016, sous le métro de Stalingrad à Paris », Mémoire de master 2 … Continue reading. Les initiatives citoyennes auxquelles je m’intéresse ont connu un mouvement inverse : de l’intervention humanitaire d’urgence à la politisation. Faisant suite à la prise de conscience par les citoyens ordinaires de l’indécence[23]Avishai Margalit, La Société décente, Flammarion, 2007. du traitement politique des migrants en France, ce processus ne s’est pas accompagné d’une reconnaissance de leur légitimité à prendre part au débat public. Les citoyens ordinaires ont été tolérés par les pouvoirs publics tant qu’ils s’en tenaient à des interventions humanitaires d’urgence. Cependant, dénoncer les décisions politiques et leurs dérives sécuritaires les a menés à incarner pour les instances gouvernementales la même indésirabilité que celle attribuée aux migrants. Ainsi, ce positionnement aux interstices de l’humanitaire et du politique rend difficilement audible la voix des citoyens ordinaires, tantôt instrumentalisés, tantôt disqualifiés, tantôt rendus responsables, tantôt criminalisés[24]Voir, entre autres, l’assignation en justice
très médiatisée de deux citoyens à Paris pour l’organisation d’un rassemblement à l’été 2016 : … Continue reading. Ces réalités réactualisent dans le contexte français le « mythe de l’humanitaire d’État[25]Fabien Dubuet, « Le mythe de l’humanitaire d’État », Humanitaire, n° 7, 2003, p. 53-59. », en montrant comment l’humanitaire est utilisé par l’État pour répondre aux contradictions inhérentes à sa propre politique tout en délégitimant, voire en criminalisant les citoyens ordinaires développant sur son territoire les réponses humanitaires nécessaires à la survie des migrants.

Continuités et mutations

Cet article apporte un éclairage particulier sur les continuités et mutations de l’humanitaire à domicile et notamment sur la porosité des frontières entre humanitaire et politique. D’une part, en mettant en lumière la redéfinition des contours, principes et valeurs fondamentales du monde humanitaire moderne ; la crise politique de l’accueil des migrants menant les citoyens ordinaires à innover l’intervention humanitaire à domicile. D’autre part, en renouvelant l’étude des mécanismes de l’instrumentalisation humanitaire au prisme de la politisation de ses acteurs. L’étude de ces initiatives laisse ainsi entrevoir une dynamique d’hybridation du fait humanitaire : des acteurs, des principes et des répertoires d’action, qui articulent les réponses humanitaires aux temps de la vie ordinaire ; des règles logistiques et morales associées à une organisation flexible « à la carte » et « au clic » ; des principes de solidarité, d’urgence, de création de lien social, de revendication politique qui convergent et entrent en dialogue au sein d’espaces physiques et virtuels. L’humanitaire prend ici une autre dimension et s’insère progressivement dans le quotidien d’une pluralité d’acteurs non connectés auparavant à ce monde, ce qui n’est pas sans générer des limites et risques de dérives. Si un renouvellement des acteurs de l’aide humanitaire et une reconfiguration de leurs pratiques sont observables, leur politisation progressive réactualise, entre riposte[26]Thierry Brigaud, « Migrants : la riposte humanitaire », Humanitaire. Enjeux, pratiques, débats, n° 33, 2012. et instrumentalisation[27]Claire Arjun, « De l’humanitaire comme outil de dissuasion en Grèce », Alternatives Humanitaires, n° 5, juillet 2017, p. 14-29 ; Marjorie Gerbier-Aublanc, « L’humanitaire instrumentalisé à … Continue reading, les liaisons dangereuses qu’entretiennent depuis toujours l’humanitaire et le politique.

ISBN de l’article (HTML) : 978-2-37704-438-2

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References

References
1 Babels, De Lesbos à Calais : comment l’Europe fabrique des camps, Éditions du Passager Clandestin, 2017.
2 Madeleine Trépanier, « Les Britanniques à Calais. La solidarité européenne à l’échelle locale dans une ville-frontière », Multitudes, vol. 3, n° 64, 2016, p. 82- 91 ; Yasmine Bouagga et Mathilde Pette, « L’aide aux migrants à Calais », in Céline Leroux et Olivier Pissoat, La Cartographie 2017 des engagements volontaires et solidaires à l’international, Observatoire de France Volontaires, 2017, p. 23-28 ; Michel Agier et al., La Jungle de Calais. Les migrants, la frontière et le camp, PUF, 2018.
3 Marjorie Gerbier-Aublanc, « L’improvisation humanitaire : potentialités et limites des solidarités citoyennes dans les camps de migrants à Calais et à Paris », Fondation Croix-Rouge française. Les Papiers de la Fondation, n° 15, mai 2018.
4 Ces réflexions ont émergé d’une enquête socio-ethnographique réalisée à partir d’observations et d’entretiens menés à Calais à l’automne 2016 et à Paris à l’hiver 2017, entre autres au sein de deux initiatives citoyennes nées depuis 2015. Cette recherche a été réalisée à la suite de l’obtention, en septembre 2016, d’une bourse postdoctorale dans le cadre de l’appel à projet du Fonds Croix-Rouge française et du groupe Malakoff Médéric. Les résultats exposés dans cet article sont plus amplement développés dans le document cité en note 3.
5 Marc-Antoine Pérouse de Montclos, Les Humanitaires dans la guerre. Des idéaux à l’épreuve de la politique, La Documentation française, 2012 ; Eleanor Davey, « L’action humanitaire au-delà des French doctors », Alternatives Humanitaires, n° inaugural, février 2016, p. 10-19.
6 Miriam Ticktin, “Where ethics and politics meet : the violence of humanitarism in France”, American Ethnologist, n° 33, 2006, p. 33-49.
7 Boris Martin, L’Adieu à l’humanitaire ? Les ONG au défi de l’offensive néolibérale, Éditions Charles Léopold Mayer, 2015 ; Rony Brauman, Penser dans l’urgence : parcours critique d’un humanitaire. Entretiens avec Catherine Portevin, Le Seuil, 2006.
8 Christine Delphy, « Une guerre pour les femmes afghanes ? », Nouvelles Questions Féministes, vol. 21, n° 1, 2002, p. 98-109.
9 Marc-Antoine Pérouse de Montclos, Les Humanitaires dans la guerre…, op. cit. ; Boris Martin, L’Adieu
à l’humanitaire ?…, op. cit. ; Jérôme Larché, Le Déclin de l’empire humanitaire. L’humanitaire occidental à l’épreuve de la mondialisation, L’Harmattan, 2017.
10 Miriam Ticktin, Casualties of care : immigration and the politics of humanitarianism in France, University of California Press, 2011.
11 Médecins du Monde, « La mission France de Médecins du Monde. Un accès aux soins pour les plus vulnérables », 2011.
12 Thomas L. Haskell, « Capitalism and the origins of the humanitarian sensibility », The American Historical Review, vol. 90, n° 3, juin 1985, p. 547-566.
13 Lilian Mathieu, « Les ressorts sociaux de l’indignation militante. L’engagement au sein d’un collectif départemental du Réseau éducation sans frontière », Sociologie, vol. 1, n° 3, 2010, p. 303-318.
14 Isabelle Coutant, Les Migrants en bas de chez soi, Le Seuil, 2018.
15 Pascal Dauvin et Johanna Siméant, Le Travail humanitaire. Les acteurs des ONG du siège au terrain, Presses de Sciences Po, 2002 ; Ludovic Joxe, « Médecins Sans Frontières : to be professional or not to be ? », Journée d’étude « Ethnographie des professionnels de l’international », Lyon, mai 2017 ; Ludovic Joxe, « Les limites du sans-frontiérisme : entre pensée universaliste et action sur-mesure », Université d’été du RéDoc « Dépasser les frontières », Strasbourg, juin 2017 ; Peter Redfield, « Vital mobility and the humanitarian kit », in Andrew Lakoff et Stephen
J. Collier, Biosecurity Interventions. Global Health & Security in Question, Columbia University Press, 2008, p. 147-171.
16 Babels, Entre accueil et rejet. Ce que les villes font aux migrants, Éditions du Passager Clandestin, 2018 ; Marjorie Gerbier-Aublanc, « L’improvisation humanitaire… », art. cit., p. 16-17.
17 Madeleine Trépanier, « Les Britanniques à Calais… », art. cit.
18 Marjorie Gerbier-Aublanc, « Un migrant chez soi », Esprit, vol. 7-8, n° 446, juillet-août 2018,
p. 122-129.
19 Marjorie Gerbier-Aublanc, « L’humanitaire instrumentalisé à Calais », Plein droit, n° 112, mars 2017, p. 32-35.
20 Boris Martin, L’Adieu à l’humanitaire ? …, op. cit.
21 Mathilde Pette, « Les associations dans l’impasse humanitaire ? », Plein droit, n° 104, mars 2015, p. 22-26.
22 Julie Sebahoun, « “Et maintenant, on s’installe où ? Ethnographie de trois campements d’exilés, entre février et mai 2016, sous le métro de Stalingrad à Paris », Mémoire de master 2 d’Anthropologie, Université Paris Descartes, 2016.
23 Avishai Margalit, La Société décente, Flammarion, 2007.
24 Voir, entre autres, l’assignation en justice
très médiatisée de deux citoyens à Paris pour l’organisation d’un rassemblement à l’été 2016 : www.mediapart.fr/journal/france/081116/refugies-houssam-et-aubepine-poursuivis-pour-avoir-organise-un-rassemblement?onglet=full ; www.lemonde.fr/immigration-et-diversite/article/2016/08/23/migrants-qui-se-cache-vraiment-sous-le-benevole-parisien_4986671_1654200.html ; www.exilesparis.org/fr/2016/08/09/un-long-dimanche-de-garde-a-vue-par-aubepine/ ; www.philomag.com/lactu/passage-a-lacte/aubepine-dahan-ce-quaider-veut-dire-20377
25 Fabien Dubuet, « Le mythe de l’humanitaire d’État », Humanitaire, n° 7, 2003, p. 53-59.
26 Thierry Brigaud, « Migrants : la riposte humanitaire », Humanitaire. Enjeux, pratiques, débats, n° 33, 2012.
27 Claire Arjun, « De l’humanitaire comme outil de dissuasion en Grèce », Alternatives Humanitaires, n° 5, juillet 2017, p. 14-29 ; Marjorie Gerbier-Aublanc, « L’humanitaire instrumentalisé à Calais… », art. cit.

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