|J.-C. Rufin

Pourquoi se risquer à publier une nouvelle revue internationale dédiée à l’action humanitaire ?

Jean-Baptiste Richardier
Jean-Baptiste RichardierCo-fondateur de Handicap International en 1982 - pour apporter une aide concrète aux réfugiés cambodgiens handicapés et privés de soins spécifiques - le Dr Richardier coordonne le développement du réseau Handicap International en Belgique, en Suisse, en Allemagne, au Luxembourg, au Royaume Uni, au Canada, et aux Etats-Unis, structuré en fédération en 2009 et dont il assure la direction générale jusqu’en 2014. Il se consacre ensuite à la mise en place de la Fondation « Handicap International » où il assure le lancement de la revue Alternatives Humanitaires en collaboration avec quatre fondations françaises pour susciter le débat entre praticiens et chercheurs en sciences humaines et sociales sur les enjeux auxquels l’action humanitaire est confrontée (www.alternatives-humanitaires.org). Journaliste au Quotidien du Médecin à la fin de ses études médicales en 1977, il part pour deux ans de service civil en Ethiopie, puis comme volontaire en Thaïlande et au Cambodge, successivement pour Médecins sans Frontières, SOS Enfants sans Frontière et Handicap International. Aujourd’hui, présente dans près de 60 pays, l’ONG Handicap International vient en aide aux populations les plus vulnérables, notamment les personnes handicapées. Elle contribue à améliorer leurs conditions de vie, à les aider à s’insérer dans la société et à accéder à leurs droits en partenariats avec les acteurs locaux.
Benoît Miribel
Benoît Miribel Depuis janvier 2007, il est directeur général de la Fondation Mérieux, spécialisée dans la lutte contre les maladies infectieuses, en particulier dans les pays en développement. Il est également, depuis juin 2013, président d’honneur d’Action contre la Faim, qu’il a présidée de 2010 à 2013 et dirigée de 2003 à 2006. Il a été directeur général de l’Institut Bioforce de 2003 à 2007. Il préside le Centre Français des Fonds et Fondations (CFF). Benoît Miribel est par ailleurs cofondateur du Forum Espace Humanitaire (FEH) et du Groupe de réflexion urgence et post-crise, membre du conseil d’administration du Forum Convergences et de l’ONG Friendship-France. Benoît Miribel est diplômé de l’Institut d’études politiques de Lyon et titulaire d’un DEA en Relations internationales de l’Université de Paris I Panthéon-Sorbonne. Il est cofondateur de la revue Alternatives Humanitaires et membre de son conseil d’orientation.
Jean-Christophe Rufin
Jean-Christophe RufinMédecin et écrivain. Entré en écriture par l’essai (Le Piège humanitaire, en 1986), Jean-Christophe Rufin se lance dans le roman en 1997 avec L’Abyssin, obtient le prix Goncourt en 2001 avec Rouge Brésil et entre à l’Académie française en 2008. Il a réalisé sa première mission humanitaire en 1976 en Érythrée, puis a été notamment conseiller auprès du secrétaire d’État aux Droits de l’homme (1986-1988), attaché culturel et de coopération au Brésil (1989-1990), conseiller auprès du ministre de la Défense (1993-1994) et ambassadeur de France au Sénégal et en Gambie (2007-2010). Il a également été vice-président de Médecins Sans Frontières (1991-1992) et président d’Action Contre la Faim (2003-2006), dont il est aujourd’hui président d’honneur. En sa qualité de membre de la Fondation Action Contre la Faim, il fait partie du conseil d’orientation de la revue Alternatives Humanitaires depuis sa création.
Jean-François Mattei
Jean-François MatteiPrésident de l’Académie nationale de médecine et membre de l’Institut de France (Académie des sciences morales et politiques), ancien ministre de la Santé, le professeur Jean-François Mattei exerce la pédiatrie avant de se consacrer à la génétique médicale. Sa pratique l’a conduit à s’impliquer dans les questions d’éthique biomédicale, ses travaux sont reconnus en France comme à l’étranger. Président de la Croix-Rouge française de 2004 à 2013, il lance en 2013 le Fonds de dotation (devenu fondation) de la Croix-Rouge française qu’il présidera de 2013 à 2017. Il est membre de l’Institut de France depuis 2015 (Académie des sciences morales et politiques) et chevalier de la Légion d’honneur (2004). Il est cofondateur de la revue Alternatives Humanitaires.

Au début des années 1970, la création de Médecins sans Frontières écrivait les premières pages d’une histoire dans laquelle s’inscriront de nombreuses initiatives, participant d’une conception renouvelée de l’action humanitaire. Près d’un demi-siècle plus tard, un constat s’impose : la réputation du « sans frontiérisme » reste attachée aux ruptures et aux innovations originelles, mais il se fait moins entendre sur la scène internationale. Depuis longtemps les acteurs anglo-saxons peuvent quant à eux s’appuyer sur des publications de haut niveau, sans équivalent dans la sphère francophone. Certes, des publications de qualité existent déjà à l’initiative d’organisations spécifiques, pionnières d’une réflexion salutaire ; l’originalité du projet Alternatives Humanitaires est toutefois de traduire d’emblée une initiative transversale, portée par plusieurs fondations représentatives d’un secteur où les divergences de points de vue, à la fois constitutives et constructrices, sont légion.

Pour les initiateurs du projet, la nécessité de lancer une telle revue est apparue d’évidence comme un complément au Forum Espace Humanitaire. Depuis 2009, tous les 18 mois et durant trois jours, cet espace d’échange informel s’ouvre aux dirigeants des principales ONG françaises ou francophones ainsi que du mouvement Croix-Rouge et Croissant-Rouge pour réfléchir ensemble aux grands enjeux du secteur humanitaire. Les organisateurs veillent aussi à la participation d’autres acteurs de l’aide sur la scène internationale et s’assurent de la contribution d’experts académiques reconnus.

Alternatives Humanitaires veut ainsi contribuer à faire valoir au plan international la voix singulière d’une réflexion humanitaire aux racines francophones, véritable passerelle avec ses collègues anglophones mais aussi, et peut-être surtout, entre deux univers mutuellement intéressés mais qui s’ignorent trop souvent, celui des chercheurs en sciences humaines et sociales et celui des praticiens de terrain.

Le positionnement de la revue se veut très ouvert, fondé sur la qualité de la réflexion et de l’expérience, permettant d’attirer les contributions de chercheurs ayant une légitimité scientifique indiscutable, tout en invitant les praticiens, forts de leur expérience d’acteurs de terrain, à s’engager dans la discussion. Portée par une ambition prospective affirmée, la revue recherchera les contributions d’auteurs désireux d’investir les secteurs inexplorés des questions humanitaires, d’analyser les impasses actuelles et de mettre les questionnements et les réponses en perspective. La fièvre d’innovation qui s’est emparée du secteur pour répondre aux défis de la « transition humanitaire » fera notamment l’objet d’un regard attentif et critique.

Publier dans Alternatives Humanitaires doit représenter pour les chercheurs « une bouffée d’oxygène » par des prises de parole libérées des contraintes habituelles des revues académiques. Ils seront, nous l’espérons, séduits par la possibilité de partager un espace de réflexion sur une action humanitaire devenue objet d’intérêt social, sociétal et politique. Dès lors, l’objectif de la revue Alternatives Humanitaires est bien de construire et d’animer au fil du temps un espace de rencontre et de débat, de donner corps à une communauté de praticiens et de chercheurs résolus à faire progresser les concepts humanitaires et à inscrire les sujets traités dans les champs du pertinent et du possible.

En faisant dialoguer le monde humanitaire et les milieux académiques, notre ambition est de susciter un impact sector autant qu’un impact factor… L’horizon de lecture de la revue, ce sont les décideurs et praticiens de l’aide, les bailleurs et les instances nationales et multilatérales responsables de la réponse humanitaire, aussi bien que les milieux universitaires, chercheurs, enseignants et étudiants en sciences humaines et sociales. Nous souhaitons également intéresser les entreprises déjà engagées ou souhaitant intégrer de manière sincère et responsable une politique d’aide au plan international, sans écarter les publics éclairés et toute personne désireuse d’approfondir sa compréhension critique du secteur. Ce choix d’un lectorat éclectique est ambitieux et suggère un traitement à mi-chemin entre approche scientifique et mise en forme accessible, intégrant pour certaines rubriques une approche plus casuistique, voire narrative.

Réussir une diffusion internationale est un défi que nous savons difficile, d’où le choix exigeant du bilinguisme. Adossé à un réseau d’universités francophones, Alternatives Humanitaires entend privilégier les contributions de tout chercheur souhaitant voir publier ses travaux à la fois en français et en anglais.

Alternatives Humanitaires sera prioritairement diffusée sur un support digital autorisant des liens immédiats avec une richesse infinie de déclinaisons et d’informations complémentaires. Nous croyons toutefois à la pertinence de proposer une version imprimée de la revue pour répondre aux attentes et préférences des deux familles de lecteurs. Des actions complémentaires – débats, colloques, éditions d’ouvrages – pourront également être entreprises, visant à prolonger l’audience de la revue.

L’analyse des publications existantes nous a confortés dans le constat que n’existait pas au plan international de média comparable d’inspiration francophone, porté par un regroupement de fondations issues du milieu praticien, nourri des approches académiques de partenaires universitaires et traduisant une mise en commun de moyens, de pensée et de projets. À distance des impératifs opérationnels comme des contraintes institutionnelles, la liberté de la ligne éditoriale se veut totale, soutenue par un ton volontiers rebelle au « politiquement correct », garantie par un comité de rédaction et un comité d’orientation indépendants des organismes financeurs. Alternatives Humanitaires se positionne ainsi non pas en rupture, ni même en concurrence, mais en renforcement des publications existantes, déterminée à contribuer à la structuration d’une pensée innovante au service d’analyses et de propositions créatives.

Alternatives Humanitaires sera dans un premier temps proposée en accès libre dans sa version numérique et nous engageons, par notre signature, chacune de nos fondations à contribuer financièrement à son lancement et sa diffusion pour les trois années à venir.

Dans toute aventure on compte des éclaireurs et les auteurs de ce numéro sont de ceux-là. Avec eux, nous avons élaboré une première approche qui donne à voir, modestement, ce que pourra être cette revue. Articulée autour d’un dossier principal – ici la crise Ebola qui n’en finit pas de livrer ses enseignements –, elle puise à l’histoire du mouvement « sans-frontiériste » vue au prisme d’une auteure anglo-saxonne, puis elle s’envole vers les Suds pour s’inspirer des mobilisations en cours et porte enfin son regard vers l’éthique qui est l’avenir du secteur. Le présent numéro est donc une proposition, au sens le plus fort du terme : une offre soumise à délibération. En somme, cette proposition est à l’image de l’humanitaire : un chantier en perpétuel renouvellement, arrimé à ses fondations, prêt à s’élancer vers de nouveaux horizons.
Nous vous invitons à nous faire part de vos avis et recommandations ; ils nous seront précieux car les premiers pas d’une revue qui se veut innovante ne sont jamais faciles. Et bien sûr, nous vous invitons à nous rejoindre pour soutenir et enrichir cette initiative collective, établir son influence et contribuer à sa pérennité.

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