Souveraineté responsable dans la réponse aux crises en Asie de l’Est

Oscar A. Gómez
Oscar A. GómezDocteur diplômé de l’Université du Tōhoku et ancien chercheur à l’Institut de recherche de l’Agence japonaise de coopération internationale (JICA-RI), il est maître de conférences au College of Asia Pacific Studies de l’Université Ritsumeikan Asie Pacifique. Ses travaux portent principalement sur la pratique de la gouvernance mondiale et de la sécurité humaine, avec un accent sur l’environnement, les migrations, les crises humanitaires (catastrophes, déplacements forcés, pandémies) et la coopération internationale. Il a contribué à un panel de discussion de l’ONU sur l’opérationnalisation de la sécurité humaine en 2013, et a corédigé des études contextuelles pour les Rapports sur le développement humain de  2014 et  2016. Il a travaillé comme consultant pour plusieurs agences de l’ONU en Amérique latine. Actuellement, il édite des ouvrages sur les normes de la sécurité humaine au sein de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est +3 (ASEAN+3), ainsi que sur la gestion de crise au-delà du nexus urgence-développement, et il prépare un nouveau travail de recherche sur les puissances émergentes et l’humanitarisme non occidental.

Comme en écho à l’article de Duncan Mclean ouvrant ce dossier, celui d’Oscar Gómez n’en est pas le reflet. Son mérite est de décentrer le regard sur cette notion pour nous présenter de quelle manière, en Asie de l’Est et du Sud-Est, elle a traversé ce demi-siècle.

La souveraineté a été au cœur de l’émergence de l’humanitaire libéral occidental. L’usage abusif du principe de non-ingérence par les gouvernements lorsqu’ils font face à des menaces intérieures est perçu comme un problème majeur, justifiant une réponse internationale. Les principes humanitaires traditionnels ont été conçus pour contourner l’opposition des gouvernements souverains à toute intervention : en particulier la neutralité, pour toucher les populations les plus vulnérables malgré les divergences politiques, et l’indépendance, afin d’éviter toute forme de récupération. Historiquement, la souveraineté est l’un des principaux obstacles au mouvement humanitaire.

Cependant, la conception de la souveraineté a évolué et il n’est pas tout à fait certain que l’humanitaire soit au fait de cette évolution. Une première mise à l’épreuve est survenue à la fin de la guerre froide, lorsque la communauté internationale a justifié son aide par une nécessité humanitaire, donnant lieu aux « interventions humanitaires ». Cette militarisation du « projet humanitaire » a entraîné une forte résistance des agences, organisations et praticiens humanitaires, car des crises comme celles touchant la Somalie, le Rwanda, la Bosnie et le Kosovo ont montré à quel point ces interventions sont controversées – et pas nécessairement humanitaires[1]International Commission on Intervention, State Sovereignty, and International Development Research Centre (Canada), The responsibility to protect : report of the International Commission on … Continue reading. Dans ce contexte, une nouvelle idée de « souveraineté responsable » a fait son chemin, soulignant que la souveraineté étatique implique l’obligation de protéger les citoyens[2]Francis M. Deng et. al., Sovereignty as Responsibility : Conflict Management in Africa, Brookings Institution Press, 1996.. Dans l’optique de pouvoir justifier les interventions dans le cercle de nations portant en étendard leur souveraineté, le principe de « responsabilité de protéger » a émergé, permettant aussi de séparer intervention militaire et pratique humanitaire.

À l’heure de l’humanitaire moderne, la « souveraineté responsable » ne doit pas être perçue comme l’ennemi à abattre. En effet, elle est entre autres une réaffirmation de la Résolution 46/182 de 1991 de l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations unies (ONU) – instituant la coordination humanitaire par l’ONU – stipulant que la première et principale responsabilité des États est de protéger les populations en danger. Cette conception renouvelée de la souveraineté affecte-t-elle la nature de l’humanitarisme ? Dans ce court article, je montre comment cette nouvelle souveraineté responsable bouleverse l’aide humanitaire, et je tente d’ouvrir des portes de discussion en m’appuyant sur l’évolution de la réponse humanitaire aux crises ayant touché l’Asie de l’Est et du Sud-Est.

Non-ingérence et humanitaire pendant la guerre froide

À la naissance du mouvement « sans frontières » au moment de la crise du Biafra, la situation en Asie de l’Est était assez similaire au regard des questions de souveraineté. L’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN) a été créée en 1967, avec comme principe premier la non-ingérence dans les affaires internes de ses États membres[3]Amitav Acharya, Constructing a Security Community in Southeast Asia, 3e éd., 2014, p. 56.. Ceci fut illustré par le refus notoire de l’ASEAN de se confronter au génocide cambodgien perpétré par les Khmers rouges entre 1975 et 1979. Le carnage fut stoppé par l’invasion du Cambodge par le Vietnam, et la défaite du régime ; cependant, les motivations humanitaires n’étaient pas centrales dans cette décision, et le monde n’était pas non plus réceptif à de telles justifications[4]Martha Finnemore, « Constructing Norms of Humanitarian Intervention », in Peter J. Katzenstein (dir.), The Culture of National Security : Norms and Identity in World Politics, Columbia University … Continue reading. Les considérations humanitaires étaient également secondaires dans la réponse des pays de l’ASEAN à la crise des réfugiés qui a suivi – et qui a continué pendant plus d’une décennie. La sélection des réfugiés n’était pas une mesure de protection mais de dissuasion, alors que la région faisait pression sur la communauté internationale pour obtenir de l’aide[5]Sara E. Davies, « Realistic yet humanitarian ? The comprehensive plan of action and refugee policy in Southeast Asia », International Relations of the Asia-Pacific, 8(2), 2008, p. 191-217..

Néanmoins, la crise des réfugiés indochinois – comme on l’appelle parfois – fut l’occasion d’implanter des agences de l’ONU dans la région et de créer des agences locales à vocation humanitaire. Par exemple, cette crise a entraîné la création d’une antenne du HCR en Thaïlande, et l’aide médicale sur la frontière Cambodge-Thaïlande est à l’origine du système japonais de réponse aux catastrophes (JDR)[6]Sachiko G. Kamidohzono, Oscar A. Gómez et Yoichi Mine, « Embracing human security : New directions of Japan’s ODA for the 21st century », in Hiroshi Kato, John Page et Yasutami Shimomura (dir.), … Continue reading. Des ONG humanitaires japonaises majeures comme l’Association for Aid and Relief, Shanti Volunteer Association, Caring for Young Refugees et le Japan International Volunteer Center sont également nées à cette époque[7]Kaori Kuroda, « Japan-based non-governmental organizations in pursuit of human security », Japan Forum, 15(2), 2003, p. 227-250..

Le conflit entre le paradigme souverainiste existant et le mouvement humanitaire émergent est également illustré par le séisme de Tangshan en Chine, en 1976. Ce fut l’un des plus meurtriers de l’histoire, qui tua entre 242 000 et 700 000 personnes au nord-est du pays, près de Pékin[8]Lester Ross, « Earthquake Policy in China », Asian Survey, 24(7), 1984, p. 773-787.. Le séisme est survenu alors que le pays traversait une phase politique critique, au moment d’une passation de pouvoir maintes fois repoussée. Le pays a alors refusé toute aide de l’ONU et des Sociétés de la Croix-Rouge, et a interdit l’accès de Tangshan aux étrangers pendant sept ans[9]Wooyeal Paik, « Authoritarianism and humanitarian aid : regime stability and external relief in China and Myanmar », The Pacific Review, 24(4), 2011, p. 439-462.. La posture antioccidentale traditionnelle joua aussi un rôle important dans le refus de toute aide, ainsi que la volonté de démontrer la supériorité du système socialiste[10]Miwa Hirono, « Three legacies of humanitarianism in China », Disasters, 37(s2), 2013, p. S202-S220..

En résumé, les réponses à ces deux crises reflètent la logique de la guerre froide : une démonstration de force entre grandes puissances, accompagnée d’un rejet de toute aide extérieure, perçue comme une marque de faiblesse, quand le tiers-monde s’accommodait d’une aide humanitaire verticale. À cette époque, les pays de l’ASEAN cherchaient à trouver des solutions régionales à des problèmes régionaux, sans vision globale, et avec un développement économique encore balbutiant. Les causes et devoirs humanitaires n’étaient pas particulièrement prégnants, même si la responsabilité de l’État face aux crises et la culture du don et de la solidarité existaient déjà[11]Oscar A. Gómez, « What is at Stake in Localizing Human Security Norms in the ASEAN+3? Comparative Analysis of a Regional Review Survey », in Yoichi Mine, Oscar A. Gómez et Ako Muto (dir.), Human … Continue reading.

Appropriation, horizontalité et avenir de l’aide humanitaire

La réponse aux crises majeures a changé radicalement dans la région au cours des vingt dernières années. En effet, l’aide humanitaire est bien mieux prise en charge au niveau national et les échanges avec les organismes internationaux sont plus horizontaux.

La prise en charge de la réponse humanitaire n’était pas totalement absente des institutions nationales et régionales pendant la guerre froide. En effet, la réaction du gouvernement chinois en 1972 et la création de l’ASEAN visaient à gérer des problèmes régionaux. Cela dit, une série de menaces inhabituelles dans les années 1990 et 2000 a montré que les organismes de protection étaient inadéquats, axés sur les menaces militaires et la stabilité politique. Premièrement, la crise financière asiatique de 1997 a démontré qu’un développement incontrôlé n’était pas durable, entamant à l’occasion la légitimité des gouvernements nationaux concernés[12]See Seng Tan, « Providers Not Protectors : Institutionalizing Responsible Sovereignty in Southeast Asia », Asian Security, 7(3), 2011, p. 201-217.. Puis les dégâts causés par le tsunami de 2004 dans l’océan Indien ont montré l’importance d’institutions nationales et régionales capables de déclencher un plan d’urgence et de coordonner l’aide humanitaire. Dès lors, des organismes nationaux de gestion des catastrophes (NDMA) ont été créés dans toute la région, permettant la prise en charge de tout le cycle de gestion de crise avec un niveau d’intervention professionnel. Ces organismes sont présents et actifs dans les conférences et les plates-formes mondiales et régionales sur la prévention des risques de catastrophes, tenues tous les deux ans. Au niveau de l’ASEAN, l’Accord sur la gestion des catastrophes et les interventions d’urgence (AADMER) a été ratifié en 2005 par dix États membres. La création du Centre de coordination de l’aide humanitaire de l’ASEAN (Centre AHA) en 2011 renforce l’accord AADMER sur le plan institutionnel. Le Centre soutient les efforts de coordination, le développement de procédures opérationnelles standardisées, fournit des informations sur les catastrophes et organise l’établissement d’équipes d’évaluation rapide en situation d’urgence (ERAT), qui remplacent en pratique les équipes de l’ONU pour l’évaluation et la coordination en cas de catastrophe (UNDAC) par des collaborateurs locaux. Ainsi, l’AADMER et le Centre AHA contribuent tous deux à réaffirmer la mission humanitaire de l’État[13]Alistair D. B. Cook, « Siloes, Synergies and Prospects for Humanitarian Assistance and Disaster Relief in Southeast Asiac », in Alan Chong (dir.), International Security in the Asia-Pacific : … Continue reading.

En s’appropriant mieux la gestion des crises, les États élargissent leur champ de protection. Avec la grande mobilité des habitants de la région et la diffusion des technologies de l’information, les catastrophes doivent aussi être l’occasion de mobiliser les expatriés. Ne pas le faire serait trop coûteux politiquement. Cette nécessité a notamment été démontrée lors du séisme et du tsunami de 2011 au Japon, lorsque plusieurs ambassades ont conseillé ou mis en œuvre des évacuations parallèlement à l’aide humanitaire aux locaux. Ces mesures sont un impératif pour des pays comme la Chine ou les Philippines, dont de nombreux citoyens travaillent à l’étranger. Cet élan incite d’autres gouvernements à faire de même.

Par ailleurs, le sentiment de fragilité associé à la réception d’une aide humanitaire laisse peu à peu place au principe de solidarité à l’échelle internationale, reposant sur une relation d’égalité et de réciprocité. Le séisme de Kobe au Japon en 1997 – qui a vu la seconde économie mondiale accepter l’aide internationale – en est un premier exemple. Puis, en 2008, la Chine a aussi accepté une aide étrangère après le séisme de Wenchuan, contrastant nettement avec son refus 30 ans auparavant. La nouvelle attitude chinoise fut particulièrement importante, car elle est intervenue pratiquement en même temps que le cyclone Nargis, qui a frappé le Myanmar, causant de nombreuses pertes humaines et d’importants dégâts. Contrairement à l’attitude chinoise, les dirigeants militaires du Myanmar ont initialement refusé l’aide internationale, en partie en réaction à la menace d’une intervention humanitaire occidentale. La nouvelle posture chinoise vis-à-vis de l’aide internationale, et la médiation rapide de l’ASEAN ont aidé à lever les réticences et à élargir le champ d’intervention des organisations humanitaires.

De plus, en 2011, le Japon a de nouveau ouvert ses portes à la solidarité internationale, devenant cette année le principal récipiendaire d’aide humanitaire internationale avec plus de deux milliards de dollars venus du monde entier[14]Oscar A. Gómez, « Human Security After the Great East Japan Earthquake : Rethinking the Role
of External Assistance », in Carolina Hernandez, Eun Mee Kim, Yoichi Mine, Ren Xiao (dir.), Human … Continue reading. De nombreux pays parmi les plus pauvres ont contribué, retournant l’aide qu’ils avaient reçue du Japon depuis des années. Le pays a reçu plus d’aide que la Libye ou la Somalie, alors que ces dernières se trouvaient dans une situation critique la même année ; la réciprocité semble donc être un moteur important pour l’avenir de l’humanitaire.

D’autres urgences cruciales ont forgé la position régionale vis-à-vis de l’aide internationale, notamment la grippe aviaire et le syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS). Ces événements illustrent les deux changements en cours dans la région : la nécessité d’une réponse solide au niveau national, ainsi que l’ouverture à l’aide internationale. L’expérience chinoise a été cruciale dans cette évolution : refusant d’admettre qu’elle était la source du SRAS, dissimulant des informations et faisant obstruction à l’enquête de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), la Chine a grandement contribué à la propagation du virus hors de ses frontières[15]Sara E. Davies, Adam Kamradt-Scott et Simon Rushton, Disease Diplomacy : International Norms and Global Health Security, Johns Hopkins University Press, 2015.. Le gouvernement s’est par la suite plié aux réglementations internationales sur la santé, et s’est engagé à offrir un soutien international après des crises majeures – lors de l’épidémie d’Ebola en Afrique de l’Ouest en 2014 ou après le séisme de 2015 au Népal, par exemple.

L’appropriation et l’horizontalité dans l’aide d’urgence transforment profondément les usages de l’humanitaire. Elles rendent aujourd’hui l’aide nationale plus importante et plus vaste que celle de la communauté internationale. Par exemple, lors des inondations de 2011 en Thaïlande, les contributions humanitaires se sont élevées à environ 24 millions de dollars, alors que le gouvernement thaïlandais a dépensé des milliards[16]Rebecca Barber, « Humanitarian Assistance Following the 2011 Floods in Thailand and Cambodia : The Importance of Formal Invitations and Informal Relationships », in Patrick Daly et R. Michael … Continue reading  ; après la catastrophe de 2011 au Japon, il est apparu que la responsabilité d’une aide adéquate repose principalement sur les épaules des acteurs nationaux. La disproportion entre le volume des contributions humanitaires internationales, notamment les aides multilatérales, et les imperfections qu’elles suscitent rendent les gouvernements plus réticents à les recevoir. Après le séisme de Kobe, l’approche du gouvernement japonais a été d’accepter l’aide sans y faire appel ; cette approche est devenue la norme dans la région. De plus, le volet diplomatique est aujourd’hui plus important que le volet financier des aides humanitaires ; c’est pourquoi les pays privilégient les aides bilatérales.

En outre, la communauté humanitaire internationale peine à reconnaître la capacité de réponse des pays, ce qui suscite des tensions, comme cela s’est vu après le typhon Haiyan aux Philippines en 2013. L’aide internationale avait échoué à collaborer avec les locaux malgré l’importance des moyens déployés ; le gouvernement avait alors fortement critiqué le système onusien et était devenu réticent à accepter à l’avenir les équipes de l’UNDAC. Quant à lui, le Centre AHA a reçu un soutien régional accru, comme en témoigne la déclaration « Une ASEAN, Une Réponse » de 2016. De même, bien que le Japon a accepté l’UNDAC en 2011, sa mission fut principalement de traduire l’information et d’aider à maîtriser le flux des contributions internationales, et non de coordonner le travail de terrain comme cela était prévu.

L’absence relative de conflits armés de grande ampleur dans la région depuis le génocide cambodgien a été un facteur de la transformation régionale dans la pratique de la souveraineté. Bien que les grands organes de sécurité restent en alerte face à des menaces telles que le conflit en mer de Chine méridionale, les autorités de la région apprécient leur rôle dans la gestion des catastrophes et des réunions de coordination entre armée et société civile se tiennent régulièrement, bien qu’il reste beaucoup à faire. Ceci étant dit, deux exemples criants de catastrophes anthropiques illustrent les changements décrits jusqu’ici. Le conflit prolongé au sud des Philippines a fait l’objet d’une aide principalement axée sur le processus de paix, avec une forte implication des acteurs régionaux. Le volet humanitaire y est réduit au minimum. Cependant, durant la crise de Marawi en 2017 – lorsque des groupes terroristes affiliés à Daech ont tenté d’établir un gouvernement provincial –, le gouvernement philippin a non seulement accepté l’aide humanitaire de la Croix-Rouge, mais aussi sollicité le Centre AHA. C’est un virage important, car la mission du Centre AHA ne concerne à l’origine que les catastrophes naturelles, suscitant peu de controverses. La porte est désormais ouverte à une nouvelle forme d’assistance au niveau régional.

Récemment, dans le cadre de l’urgence dans l’État de Rakhine au Myanmar, le Centre AHA a une fois encore été sollicité, alors que l’accès international demeure limité. D’autres ONG régionales apportent aussi leur aide, même si l’attitude peu interventionniste de l’ASEAN reste la norme. En ce sens, la position à l’égard des populations déplacées a peu changé depuis les années 1970 : lors de la crise migratoire asiatique en 2015, des dizaines de milliers de Rohingyas ont atteint l’Indonésie, la Malaisie et la Thaïlande. Ces pays ont accepté temporairement ces populations, tout en demandant à la communauté internationale une aide – en invoquant cette fois-ci clairement l’impératif humanitaire. Trouver l’équilibre entre dissuasion et engagements humanitaires demeure difficile, mais au moins certains pays font pression sur le gouvernement du Myanmar pour qu’il règle la situation, comme ils l’ont fait lors du processus d’adhésion du pays à l’ASEAN.

En somme, la « souveraineté responsable » en Asie de l’Est signifie d’un côté une « démondialisation » du système humanitaire international : les acteurs humanitaires traditionnels doivent trouver le moyen d’être reconnus localement, ou être remplacés par des acteurs véritablement locaux – notamment les gouvernements nationaux. D’un autre côté, elle est aussi une « démultilatéralisation » de l’aide : la contribution d’acteurs multilatéraux à l’aide humanitaire ne peut être officiellement tolérée que si les gouvernements collaborent essentiellement sur le plan diplomatique, sans volonté interventionniste. Ces changements sont plutôt positifs, montrant un nouveau paradigme : les populations locales doivent être les principaux acteurs de l’aide humanitaire, car elles sont les intervenants les plus efficaces et les plus concernés. Cependant, les façons de répondre aux lacunes des États dans leurs interventions humanitaires restent un défi constant.

Traduit de l’anglais par Benjamin Richardier

ISBN de l’article (HTML) : 978-2-37704-434-4

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References

References
1 International Commission on Intervention, State Sovereignty, and International Development Research Centre (Canada), The responsibility to protect : report of the International Commission on Intervention and State Sovereignty, IDRC, 2001, p. 1-9.
2 Francis M. Deng et. al., Sovereignty as Responsibility : Conflict Management in Africa, Brookings Institution Press, 1996.
3 Amitav Acharya, Constructing a Security Community in Southeast Asia, 3e éd., 2014, p. 56.
4 Martha Finnemore, « Constructing Norms of Humanitarian Intervention », in Peter J. Katzenstein (dir.), The Culture of National Security : Norms and Identity in World Politics, Columbia University Press, 1996, p. 153-185.
5 Sara E. Davies, « Realistic yet humanitarian ? The comprehensive plan of action and refugee policy in Southeast Asia », International Relations of the Asia-Pacific, 8(2), 2008, p. 191-217.
6 Sachiko G. Kamidohzono, Oscar A. Gómez et Yoichi Mine, « Embracing human security : New directions of Japan’s ODA for the 21st century », in Hiroshi Kato, John Page et Yasutami Shimomura (dir.), Japan’s Development Assistance : Foreign Aid and the Post-2015 Agenda, Palgrave Macmillan, 2016, p. 205-221.
7 Kaori Kuroda, « Japan-based non-governmental organizations in pursuit of human security », Japan Forum, 15(2), 2003, p. 227-250.
8 Lester Ross, « Earthquake Policy in China », Asian Survey, 24(7), 1984, p. 773-787.
9 Wooyeal Paik, « Authoritarianism and humanitarian aid : regime stability and external relief in China and Myanmar », The Pacific Review, 24(4), 2011, p. 439-462.
10 Miwa Hirono, « Three legacies of humanitarianism in China », Disasters, 37(s2), 2013, p. S202-S220.
11 Oscar A. Gómez, « What is at Stake in Localizing Human Security Norms in the ASEAN+3? Comparative Analysis of a Regional Review Survey », in Yoichi Mine, Oscar A. Gómez et Ako Muto (dir.), Human Security Norms in East Asia, Palgrave Macmillan, 2019 ; Miwa Hirono, « Three legacies… », art. cit.
12 See Seng Tan, « Providers Not Protectors : Institutionalizing Responsible Sovereignty in Southeast Asia », Asian Security, 7(3), 2011, p. 201-217.
13 Alistair D. B. Cook, « Siloes, Synergies and Prospects for Humanitarian Assistance and Disaster Relief in Southeast Asiac », in Alan Chong (dir.), International Security in the Asia-Pacific : Transcending ASEAN towards Transitional Polycentrism, Palgrave Macmillan, 2018, p. 357-375.
14 Oscar A. Gómez, « Human Security After the Great East Japan Earthquake : Rethinking the Role
of External Assistance », in Carolina Hernandez, Eun Mee Kim, Yoichi Mine, Ren Xiao (dir.), Human Security and Cross-Border Cooperation in East Asia, Palgrave Macmillan, 2019, p. 65-86.
15 Sara E. Davies, Adam Kamradt-Scott et Simon Rushton, Disease Diplomacy : International Norms and Global Health Security, Johns Hopkins University Press, 2015.
16 Rebecca Barber, « Humanitarian Assistance Following the 2011 Floods in Thailand and Cambodia : The Importance of Formal Invitations and Informal Relationships », in Patrick Daly et R. Michael Feener (dir.), Rebuilding Asia Following Natural Disasters : Approaches to Reconstruction in the Asia-Pacific Region, Cambridge University Press, 2016, p. 315-338.

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