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La difficile prise en compte juridique des migrants

Arjun Claire
Arjun ClaireConseiller humanitaire pour la Croix-Rouge britannique il y a peu, il a apporté son concours à la réponse de la Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (FICR) en Grèce. Arjun travaille dans l’action humanitaire depuis plus de sept ans, en occupant des postes en matière de communication, de plaidoyer et d’affaires humanitaires pour plusieurs organisations dont Médecins Sans Frontières. Il est également titulaire d’un master en études avancées d’action humanitaire du Centre pour l’éducation et la recherche en action humanitaire (CERAH). Les points de vue exprimés dans cet article n’engagent que son auteur.
Jérôme Élie
Jérôme ÉlieExpert de l’action humanitaire et des déplacements forcés, il a approfondi ses connaissances thématiques en la matière en travaillant pendant plus de quinze ans dans le domaine universitaire, au sein du système des Nations unies et auprès des ONG, tant au niveau des sièges que sur le terrain. Jérôme est titulaire d’un doctorat en histoire et relations internationales délivré par l’université de Genève. Ses articles ont été publiés dans différentes revues, notamment Refugee Survey Quarterly, Global Governance et Oxford Handbook of Refugee and Forced Migration Studies. Il suit attentivement l’élaboration du Pacte mondial sur les réfugiés depuis trois ans.

Arjun Claire et Jérôme Élie nous invitent dans les arcanes des débats qui ont présidé à l’adoption des deux Pactes mondiaux sur les migrations et les réfugiés. Si ces textes expriment une prise en compte « édulcorée » des enjeux climatiques, c’est notamment du fait de craintes formulées par certains pays que la définition internationale des réfugiés ne soit par trop étendue. Ils ouvrent néanmoins la voie à une protection plus étoffée.

L’écrivain Amitav Ghosh raconte que ses ancêtres étaient des « réfugiés écologiques  » bien avant que les déplacements de populations induits par le climat ne soient considérés comme des déplacements forcés[1]Amitav Ghosh. The Great Derangement. Climate Change and the Unthinkable, Penguin, 2016, p.4.. Dans un ouvrage, il explique comment ses aïeux ont fui l’actuel Bangladesh au milieu des années 1850, à la suite de la destruction de leur village par une rivière en crue. Ils sont alors allés s’installer en Inde, sur les rives du Gange.

Pendant de nombreuses générations, la mobilité a été une caractéristique fondamentale de l’humanité, motivée le plus souvent par des facteurs environnementaux. Toutefois, un élément est venu changer la donne ces dernières années –  la quantité de dioxyde de carbone dégagée dans l’atmosphère par les êtres humains, qui a considérablement accéléré le réchauffement climatique. Le changement climatique est devenu notre réalité quotidienne et ses conséquences dévastatrices (feux de forêt, cyclones, inondations et élévation du niveau des mers) alimentent bien trop souvent nos fils d’actualité.

Une catégorie invisible

Malgré cela, les déplacés climatiques[2]Les populations peuvent être déplacées à l’intérieur ou au-delà des frontières d’un pays à cause de facteurs liés au climat. Les « personnes déplacées à l’intérieur de leur … Continue reading restent invisibles, même si une kyrielle de termes a été créée afin de leur donner une identité – réfugiés ou migrants environnementaux, réfugiés climatiques et personnes déplacées à cause du climat, pour n’en citer que quelques-uns[3]The European Commission, “The concept of ‘climate refugee’: Towards a possible definition”, February 2019.. Et sans qu’aucun d’eux ne soit reconnu dans le droit international. Ces différentes conceptualisations ont contribué à déformer davantage l’étendue de la protection à laquelle peuvent prétendre les personnes déplacées par des événements liés au climat. Bien que les droits de l’Homme assurent une protection minimale à tous les êtres humains, seul un individu considéré comme réfugié ou travailleur migrant peut demander des garanties particulières en matière de protection. Du point de vue de la protection, la manière dont les personnes déplacées par des facteurs liés au climat sont catégorisées prend donc une importance majeure, notamment pour ce qui est des déplacements transfrontaliers[4]La Plateforme sur les déplacements liés aux catastrophes (Platform on Disaster Displacement, PDD) est un mécanisme dirigé par les États qui qualifie les déplacements transfrontaliers de … Continue reading.

Cependant, les déplacés climatiques transfrontaliers[5]Le terme de « déplacements induits par des catastrophes » se réfère aux « situations dans lesquelles les populations sont forcées de quitter leur foyer ou leur lieu de résidence habituel … Continue reading occupent actuellement une place difficilement perceptible, à cheval entre les réfugiés et les migrants. Cela s’explique essentiellement par la difficulté à établir une relation de cause à effet directe entre les événements liés au climat et les déplacements, ce qui nourrit les débats sur la nature volontaire ou forcée de ces mouvements. Même lorsqu’un accord existant établit que le changement climatique provoque des déplacements, en aggravant l’intensité et la fréquence des risques naturels ou par des moyens plus progressifs ou insidieux, il existe une certaine réticence à l’idée de classer les déplacés climatiques transfrontaliers dans la catégorie des réfugiés, et ce, pour différentes raisons.

Selon certains analystes, la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés – laquelle vise à protéger les personnes craignant à raison d’être persécutées – ne saurait suffire à justifier la protection des déplacés climatiques transfrontaliers[6]Jane McAdam. “Seven reasons the UN Refugee Convention should not include climate refugees”. Sydney Morning Herald. 6 June 2017.. D’autres experts redoutent que l’ouverture de négociations visant à élargir la définition du terme « réfugié » n’encourage les États à renégocier les obligations qui leur incombent actuellement, de manière à conditionner l’inclusion des déplacés climatiques, ce qui fragiliserait le régime des réfugiés[7]“Why climate migrants do not have refugee status”, The Economist, 6 March 2018.. Quant à la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille (1990), elle ne prend pas en compte les besoins spécifiques des personnes qui fuient des événements liés au climat, comme le droit d’entrée ou de séjour prolongé dans un pays[8]Volker Türk, “Temporary protection arrangements to fill a gap in the protection regime”, Forced Migration Review, No.49, May 2015.. En somme, les déplacés climatiques qui traversent les frontières en quête de protection et d’assistance ne le font ni dans des conditions considérées comme relevant du schéma classique de la persécution ni dans l’objectif principal d’améliorer leurs perspectives économiques. C’est ce qui a mené les spécialistes à parler d’un « vide en matière de protection ».

À partir de 2010, à commencer par l’Accord final de la Conférence de Cancún, la politique climatique internationale a de plus en plus reconnu la nécessité de traiter la question des déplacements induits par le climat. L’Agenda pour la protection élaboré dans le cadre de l’Initiative Nansen – mené par la Suisse et la Norvège, puis adopté par plusieurs États en  2015 – a marqué un jalon dans l’élaboration de normes pertinentes en matière de protection temporaire. Les mesures d’atténuation et d’adaptation visant à minimiser le risque de déplacement ont elles aussi gagné du terrain. Le Cadre de Sendai pour la réduction des risques de catastrophe à l’horizon  2015-2030, par exemple, encourage la coopération intergouvernementale afin de réduire les risques de déplacement. Par ailleurs, les participants à la Conférence des parties de Paris (COP21) ont accepté de mettre en place un groupe de travail mandaté afin d’élaborer des recommandations favorables aux approches intégrées et de prévenir, de réduire au minimum et de prendre en compte les déplacements liés aux effets néfastes des changements climatiques[9]“Human mobility in the context of disasters and the adverse effects of climate change”, PDD Messages, PDD. 2018.. Néanmoins, aucune de ces initiatives n’établit clairement les conditions d’entrée dans un autre pays qui s’appliquent aux déplacés climatiques ou les droits dont ils pouvaient bénéficier durant leur séjour. De plus, aucune d’elles n’offre de solutions à long terme.

L’espoir déçu de combler le vide ?

Ainsi, pour la société civile, la Déclaration de New York de  2016 pour les réfugiés et les migrants était incroyablement prometteuse, créant l’occasion historique de s’attaquer à un vide majeur en matière de protection. Non seulement la Déclaration reconnaissait-elle explicitement que les populations se déplacent à la suite des effets néfastes des changements climatiques et des catastrophes naturelles. Mais elle formulait également un engagement visant à s’attaquer aux causes des déplacements massifs de populations, y compris à la dégradation de l’environnement, aux changements climatiques et aux catastrophes naturelles[10]“New York Declaration for Refugees and Migrants”, Resolution adopted by the General Assembly, on 19 September 2016, A/RES/71/1, Paragraph 43.. En outre, elle exprimait l’intention de venir en aide aux migrants dans les pays victimes d’une catastrophe naturelle[11]Ibid., Paragraph 50.. Tout cela a encouragé la société civile à participer activement aux consultations concernant les deux Pactes qui découlaient de la Déclaration de New York afin de garantir une protection et une assistance adéquates pour les déplacés climatiques transfrontaliers : le Pacte mondial sur les réfugiés et le Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières.

La société civile a formulé d’ambitieuses recommandations en amont des consultations officielles concernant le Pacte sur les réfugiés, appelant à définir de nouvelles positions normatives dans le but de traiter la question des déplacements liés au changement climatique[12]NGO Key Messages for the 10th High Commissioner’s Dialogue on Protection Challenges, “Towards a Global Compact on Refugees”, International Council of Voluntary Agencies (ICVA), … Continue reading. La nécessaire complémentarité entre les deux Pactes a été aussi vigoureusement défendue par les organisations de la société civile dans l’objectif de prendre en compte la réalité de l’état actuel des déplacements transfrontaliers : les populations se déplacent pour des raisons diverses et complexes, mais elles choisissent des itinéraires et des moyens de transport identiques – un phénomène que les spécialistes appellent « migrations mixtes ».

Avant même que le processus de rédaction ne commence, le HCR (l’Agence des Nations unies pour les réfugiés) avait mis en avant la pertinence des « changements climatiques, catastrophes et déplacements dans les Pactes mondiaux[13]Climate Change, Disaster and Displacement in the Global Compacts: UNHCR’s Perspective, UNHCR, November2017. ». Par la suite, en qualité d’organisme chargé de la rédaction du Pacte mondial sur les réfugiés, l’Agence avait reconnu dans les premières versions du document que la dégradation de l’environnement et les catastrophes naturelles s’ajoutaient de plus en plus souvent aux persécutions, aux conflits, aux violences et aux violations des droits humains, entre autres facteurs conduisant aux déplacements de réfugiés[14]The Global Compact on Refugees (GCR), Draft 1, Para 1, UNHCR, 9 March 2018.. La première version a notamment posé les jalons de l’identification des besoins de protection internationale dans le cadre des migrations mixtes[15]Ibid., Para.52., tout en soulignant que les personnes déplacées par les catastrophes naturelles pourraient bénéficier d’une protection par le biais des instruments régionaux spécifiques aux réfugiés[16]Ibid., Para 55.. Néanmoins, pendant les négociations, plusieurs États ont mis en garde contre ce qu’ils percevaient comme un possible élargissement de la définition du terme « réfugié », qui aurait pu éloigner le Pacte du champ visé par la Convention de1951 et le mandat du HCR.

Plus important encore, étant donné que les normes relatives aux réfugiés étaient considérées comme contraignantes, l’inclusion des déplacements climatiques aurait pu être perçue par les États comme un geste qui aurait étendu leurs propres obligations[17]T. Alexander Aleinikoff, “The Unfinished Work of the Global Compact on Refugees”, International Journal of Refugee Law (IJRL), 2018, p.5.. Cependant, quelques États ont tout de même exprimé leur soutien – notamment ceux qui sont les premiers concernés par les changements climatiques en Afrique de l’Est, en Asie du Sud et en Amérique latine – afin d’examiner la complémentarité des formes de protection dont pourraient bénéficier les personnes déplacées par les risques naturels et les changements climatiques. De nombreux acteurs ont reconnu que les migrations mixtes sont une réalité, proposant alors que le Pacte serve de guide pratique aux fins de renforcer la coordination et la coopération opérationnelles. Alors que les négociations progressaient, une référence à l’Initiative Nansen incluse dans le Pacte a constitué un point de désaccord majeur. Certains États ont demandé sa suppression, arguant qu’une référence à un texte qui n’avait pas suscité un large consensus intergouvernemental pouvait nuire à l’obtention d’un consensus final au sujet du Pacte. Et tandis que l’Initiative Nansen se voyait retirée du Pacte mondial sur les réfugiés, les références aux migrations mixtes sont venues constituer une nouvelle source de débats. D’aucuns ont eu le sentiment que le terme englobait d’autres catégories, comme les migrants économiques qui – selon eux – ne devaient pas apparaître dans un Pacte consacré de manière exclusive aux réfugiés. Pour la présentation de la troisième version du Pacte, les références aux déplacements induits par des catastrophes et aux migrations mixtes avaient donc encore été épurées. Dans l’objectif d’obtenir un consensus, les États souhaitant mettre davantage l’accent sur les déplacements induits par des catastrophes ont accepté ce statu quo, soulignant toutefois la nécessité de mettre en place une coopération opérationnelle plus étroite entre le HCR et l’OIM (Organisation internationale pour les migrations).

À ce stade, les références aux déplacements climatiques avaient été tellement élaguées que l’État des Tuvalu s’est senti obligé d’intervenir pour faire remarquer que le traitement de la question des déplacements climatiques était une obligation relevant des droits de l’Homme. Les ONG (organisations non gouvernementales) ont elles aussi exprimé leur déception vis-à-vis de l’érosion progressive de l’ambition de traiter la question des déplacements climatiques, mettant en exergue le besoin urgent de prendre en compte tous les types de facteurs qui forcent les populations à rechercher la sécurité au-delà des frontières de leur pays[18]NGO intervention on Introduction, Agenda item 1. Towards a Global Compact on Refugees, Formal Consultations 4, ICVA, 8-10 May 2018..

Une protection minimale des réfugiés climatiques

En dépit de ces inconvénients, le projet final du Pacte mondial sur les réfugiés a réussi à introduire un langage adapté aux déplacements climatiques ou induits par des catastrophes. Cette version reconnaît que « le climat, la dégradation de l’environnement et les catastrophes naturelles interagissent de plus en plus avec les facteurs des déplacements de réfugiés »[19]“Global compact on refugees”, Report of the United Nations High Commissioner for Refugees (UNHCR), Part II, A/73/12, 13 September 2018, https://www.unhcr.org/gcr/GCR_English.pdf. De fait, le HCR considère que le Pacte mondial sur les réfugiés « reconnaît de manière effective et traite de la réalité des déplacements qui se multiplient dans le cadre des catastrophes naturelles, de la dégradation de l’environnement et des changements climatiques ; il propose un socle permettant d’ancrer les mesures visant à relever les nombreux défis qui surgissent dans ce domaine[20]“Climate change and disaster displacement in the Global Compact on Refugees”, UNHCR, February 2019. ». Il contient des clauses formulées de manière subtile (par exemple dans le paragraphe 12), qui peuvent permettre aux pays touchés par de tels déplacements de solliciter le partage des responsabilités à l’échelle internationale. Les dispositifs nationaux, les plateformes d’appui, les approches régionales et, enfin, les engagements pris lors du Forum mondial sur les réfugiés peuvent réellement être utilisés comme des outils afin de s’attaquer à ces situations. En outre, le Pacte mondial sur les réfugiés se réfère à l’octroi d’une protection temporaire[21]Par exemple, Ibid., paragraph 12., entre autres réponses pertinentes. Il est important de souligner que, dans le paragraphe 63, le Pacte prévoit que les États pourront proposer des dispositifs de séjour humanitaire aux personnes déplacées de force par les catastrophes naturelles. Enfin, il incite à intensifier les efforts visant à réduire les risques de catastrophes[22]Ibid., paragraph 53. par le biais de l’anticipation et de l’inclusion des réfugiés dans le cadre des stratégies de réduction des risques de catastrophe[23]Ibid., paragraphs 9 and 79..

La porte ouverte à des migrations légales pour cause de catastrophe naturelle

De même, les négociations pour le Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières ont été houleuses en ce qui concerne le sujet des déplacements climatiques. Pourtant, alors qu’il était de plus en plus clair que l’espace dédié à ce thème dans le Pacte sur les réfugiés se réduisait, les acteurs défendant la prise en compte des changements climatiques ont insisté sur le Pacte sur les migrations[24]T. Alexander Aleinikoff, “The Unfinished Work of the Global Compact on Refugees”, IJRL, 2018, p.5.. Leurs efforts ont finalement produit des résultats – sans doute parce que le Pacte sur les migrations semble reposer sur un amalgame disparate de lois et d’accords relevant du droit relatif aux droits de l’Homme, qui ne risquent pas d’imposer de nouvelles obligations juridiquement contraignantes. Le Pacte sur les migrations reconnaît l’articulation entre catastrophes et migrations[25]Wälter Kalin, “The Global Compact on Migration: A Ray of Hope for Disaster-Displaced Persons”, IJRL, 2018, p.2. et encourage à élaborer des stratégies d’atténuation, d’adaptation et de résilience face aux catastrophes soudaines et à évolution lente, aux changements climatiques et à la dégradation de l’environnement[26]Global Compact for Safe, Orderly and Regular Migration, Objective 2 (h and i).. Par ailleurs, il ouvre la voie aux migrations légales pour les populations forcées de traverser les frontières en raison de catastrophes soudaines et à évolution lente, grâce à des visas humanitaires, des permis de travail temporaires et une relocalisation planifiée[27]Wälter Kalin, “The Global…”, art. cit., p.3..

Le manque d’un cadre législatif global

Combinés, ces deux Pactes renforcent les garanties existantes et donnent un nouvel élan aux fins de traiter la question des déplacements liés aux changements climatiques. Pourtant, ils restent fragmentaires. Pour pouvoir s’attaquer aux déplacements transfrontaliers liés aux changements climatiques, un cadre législatif global – qui pourrait garantir l’accès au territoire, assurer un statut et des droits de séjour, et offrir des solutions à long terme – fait encore défaut. Mais le grand défi du changement climatique pousse les États et les acteurs humanitaires concernés à s’aventurer dans les méandres juridiques et politiques afin de trouver des solutions ingénieuses permettant de garantir la protection des populations déplacées par les changements climatiques et les catastrophes.

Ainsi, en 2011-2012, le Kenya et l’Éthiopie se sont appuyés sur la Convention de l’Organisation de l’unité africaine (OUA) régissant les aspects propres aux problèmes des réfugiés en Afrique (1969) pour accorder le statut de réfugiés aux Somaliens ayant fui un ensemble de facteurs incluant sécheresse, conflits et insécurité[28]Sanjula Weerasinghe, “In Harm’s Way: International protection in the context of nexus dynamics between conflict or violence and disaster or climate change”, UNHCR, December 2018, p.3-4.. Cet acte a implicitement reconnu la complexité des facteurs qui interagissent et conduisent aux déplacements. De même, à la suite du tremblement de terre de2010 en Haïti, le Brésil et le Mexique ont utilisé leurs cadres nationaux relatifs aux réfugiés et aux migrations pour permettre aux Haïtiens d’entrer et de séjourner légalement sur leurs territoires de manière temporaire[29]Ibid., p.4.. Pendant ce temps, les différents accords régionaux et sous-régionaux favorisant la libre circulation des personnes en Afrique donnent aux personnes déplacées par les catastrophes l’occasion d’accéder à un territoire et d’exercer des activités de subsistance[30]Tamara Wood, “The Role of Free Movement of Persons Agreements in Addressing Disaster Displacement: A Study of Africa”, PDD, May 2018, p.7-8.. En l’absence d’un Pacte mondial sur les déplacements liés aux changements climatiques, il est donc essentiel de s’appuyer sur les traités et les accords existants afin de pouvoir proposer un seuil de protection minimal aux personnes déplacées par les changements climatiques et les catastrophes. De plus, avec le Pacte mondial sur les réfugiés en toile de fond, le HCR a récemment déployé de nouveaux efforts visant à « renforcer la mise en œuvre d’un dispositif de protection internationale reposant sur le droit des réfugiés concernant les déplacements transfrontaliers occasionnés dans le contexte des dynamiques qui articulent les conflits ou les violences avec les catastrophes ou les changements climatiques[31]Sanjula Weerasinghe, “In Harm’s Way…”, art. cit., p.3. ». Ces efforts mèneront peut-être à l’élaboration d’un guide d’interprétation juridique, de formations et d’une assistance technique qui permettront d’informer et de faciliter l’interprétation et l’application de la Convention relative au statut des réfugiés et de critères relatifs à ce statut moins stricts vis-à-vis de ces déplacements[32]Ibid., p.13-14..

Traduit de l’anglais par Méline Bernard

ISBN de l’article (HTML) : 978-2-37704-550-1

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References

References
1 Amitav Ghosh. The Great Derangement. Climate Change and the Unthinkable, Penguin, 2016, p.4.
2 Les populations peuvent être déplacées à l’intérieur ou au-delà des frontières d’un pays à cause de facteurs liés au climat. Les « personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays » ont « droit à la protection en vertu des dispositions applicables du droit relatif aux droits de l’Homme, et plus spécifiquement des principes directeurs relatifs aux déplacements internes et des lois et politiques nationales sur les déplacements internes qui englobent les déplacements liés au climat » (Walter Kälin and Nina Schrepfer, Context of Climate Change Normative Gaps and Possible Approaches, UNHCR, February 2012). Néanmoins, il n’existe pas de cadre normatif dédié aux personnes déplacées au-delà des frontières par des événements liés au climat, thématique à laquelle cet article est consacré.
3 The European Commission, “The concept of ‘climate refugee’: Towards a possible definition”, February 2019.
4 La Plateforme sur les déplacements liés aux catastrophes (Platform on Disaster Displacement, PDD) est un mécanisme dirigé par les États qui qualifie les déplacements transfrontaliers de « situations dans lesquelles les populations fuient ou sont déplacées au-delà des frontières du fait de catastrophes soudaines ou à évolution lente, ou à cause des effets du changement climatique ».
5 Le terme de « déplacements induits par des catastrophes » se réfère aux « situations dans lesquelles les populations sont forcées de quitter leur foyer ou leur lieu de résidence habituel à la suite d’une catastrophe ou afin d’éviter de subir les conséquences d’un risque naturel imminent ou prévisible » (PDD).
6 Jane McAdam. “Seven reasons the UN Refugee Convention should not include climate refugees”. Sydney Morning Herald. 6 June 2017.
7 “Why climate migrants do not have refugee status”, The Economist, 6 March 2018.
8 Volker Türk, “Temporary protection arrangements to fill a gap in the protection regime”, Forced Migration Review, No.49, May 2015.
9 “Human mobility in the context of disasters and the adverse effects of climate change”, PDD Messages, PDD. 2018.
10 “New York Declaration for Refugees and Migrants”, Resolution adopted by the General Assembly, on 19 September 2016, A/RES/71/1, Paragraph 43.
11 Ibid., Paragraph 50.
12 NGO Key Messages for the 10th High Commissioner’s Dialogue on Protection Challenges, “Towards a Global Compact on Refugees”, International Council of Voluntary Agencies (ICVA), 12-13 December 2017.
13 Climate Change, Disaster and Displacement in the Global Compacts: UNHCR’s Perspective, UNHCR, November2017.
14 The Global Compact on Refugees (GCR), Draft 1, Para 1, UNHCR, 9 March 2018.
15 Ibid., Para.52.
16 Ibid., Para 55.
17 T. Alexander Aleinikoff, “The Unfinished Work of the Global Compact on Refugees”, International Journal of Refugee Law (IJRL), 2018, p.5.
18 NGO intervention on Introduction, Agenda item 1. Towards a Global Compact on Refugees, Formal Consultations 4, ICVA, 8-10 May 2018.
19 “Global compact on refugees”, Report of the United Nations High Commissioner for Refugees (UNHCR), Part II, A/73/12, 13 September 2018, https://www.unhcr.org/gcr/GCR_English.pdf
20 “Climate change and disaster displacement in the Global Compact on Refugees”, UNHCR, February 2019.
21 Par exemple, Ibid., paragraph 12.
22 Ibid., paragraph 53.
23 Ibid., paragraphs 9 and 79.
24 T. Alexander Aleinikoff, “The Unfinished Work of the Global Compact on Refugees”, IJRL, 2018, p.5.
25 Wälter Kalin, “The Global Compact on Migration: A Ray of Hope for Disaster-Displaced Persons”, IJRL, 2018, p.2.
26 Global Compact for Safe, Orderly and Regular Migration, Objective 2 (h and i).
27 Wälter Kalin, “The Global…”, art. cit., p.3.
28 Sanjula Weerasinghe, “In Harm’s Way: International protection in the context of nexus dynamics between conflict or violence and disaster or climate change”, UNHCR, December 2018, p.3-4.
29 Ibid., p.4.
30 Tamara Wood, “The Role of Free Movement of Persons Agreements in Addressing Disaster Displacement: A Study of Africa”, PDD, May 2018, p.7-8.
31 Sanjula Weerasinghe, “In Harm’s Way…”, art. cit., p.3.
32 Ibid., p.13-14.

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