L’humanitaire à hauteur d’hommes et de femmes

Boris Martin
Boris MartinRédacteur en chef d’Alternatives Humanitaires, il dirige et anime son comité de rédaction. Après des études de droit et d’anthropologie juridique, Boris Martin s’est engagé dans la recherche universitaire, l’écriture et l’action humanitaire. Il a été rédacteur en chef de la revue Humanitaire à Médecins du Monde de 2000 à 2015. Il a publié plusieurs ouvrages consacrés à l’action humanitaire dont La France de la solidarité (Cesno, 2002), Critique de la raison humanitaire (dir. avec Karl Blanchet, préface de Rony Brauman) aux Éditions Le Cavalier Bleu en 2006 (traduit en anglais chez Columbia University Press/Hurst & Co Publishers Ltd en 2011 sous le titre Many Reasons to Intervene: French and British Approaches to Humanitarian Action) ou L’adieu à l’humanitaire. Les ONG au défi de l’offensive néolibérale (Éditions Charles Léopold Mayer, 2015). Il est également l’auteur de récits (Chronique d’un monde disparu, 2008 et « C’est de Chine que je t’écris… », 2004) aux éditions du Seuil et de nouvelles (Hong Kong, un parfum d’éternité, 2010) aux éditions Elytis. Son dernier récit – L’iconoclaste. L’histoire véritable d’Auguste François, consul, photographe, explorateur, misanthrope, incorruptible et ennemi des intrigants – est paru en mai 2014 aux Éditions du Pacifique. En 2020, il a écrit la biographie de Médecins du Monde, La belle histoire.
L’ultime frontière
Giselda Gargano
Éditions Les Nouveaux Auteurs, 2021

L’humanitaire a beau charrier un univers romantique et aventureux, le convertir en roman est toujours une gageure. Parce qu’il se révèle souvent moins romanesque qu’escompté et parce que l’on ne fait pas de la bonne littérature avec des bons sentiments. Pour son premier roman, Giselda Gargano a su éviter ces écueils. Cette ancienne salariée du service communication d’une association humanitaire a bâti une histoire très riche, à la fois ambitieuse et sensible, prenant les notions de « frontière » et de « conflit » comme fil rouge, les déclinant dans leurs acceptions classiques comme dans leurs déclinaisons intimes. Les limites que chacun peut ou ne peut pas dépasser, les confrontations de visions et d’ego sont ainsi disséquées au fil d’un récit dont l’ambition est de décrire un monde humanitaire à hauteur d’hommes et de femmes.

Les quatre personnages centraux qui composent l’histoire, archétypaux, ne sont pas pour autant caricaturaux. On retrouve une infirmière serbe qui exorcisera en Afrique ses démons nés de la guerre de Bosnie, un chirurgien bien né trompant son ennui autant que la mort, un infirmier rebelle à l’autorité, et un militaire symbole de cette proximité souvent problématique entre humanitaires et forces armées, fussent-elles au service de la paix. Mais l’intrigue ne se déploie pas seulement sur le terrain, puisque l’autrice a eu la très bonne idée de donner à voir ce qui se passe et se trame dans les couloirs du siège de l’association, en particulier au service communication. Ce faisant, elle dessine cette frontière, souvent bien réelle, entre ceux qui font de l’humanitaire et ceux qui en parlent, les conflits qui sourdent dans les salles de réunion étant parfois aussi cruels que ceux qui se jouent au détour d’un check-point.

De cet entrelacs de destins qui se croisent et se rejoignent autour de la cause humanitaire, Giselda Gargano a su donner naissance à un récit haletant, se déployant à coups de flash-backs entre le Sarajevo des années 1990 et la République démocratique du Congo des années 2000. D’une crise humanitaro-politique surmédiatisée à la crise oubliée des enfants soldats, sa galerie de personnages aide à mieux comprendre les itinéraires et les psychologies de ceux qui s’engagent dans l’humanitaire. Pour s’y trouver, ou s’y perdre.

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